Radio Londres a fait escale pour vous à Roubaix, dans une piscine pas comme les autres.
Plus de trois millions de visiteurs l’ont sillonné depuis son ouverture en 2001, et à peine la première cabine de douche traversée, on ne peut que comprendre ce succès.
Si, parfois, les musées — avec leurs interminables enfilades de salles toutes plus blanches les unes que les autres — peuvent vite devenir ennuyeux, le musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix, bien au contraire, ne parvient pas à lasser. Le charme de l’établissement ne laisse pas insensible, et c’est le coeur réjoui que l’on chemine à travers cette piscine qui se targuait d’être — jusqu’à sa fermeture en 1985 pour des raisons de sécurité alors que le chlore commençait dangereusement à grignoter la voûte — « la plus belle de France ».
« Quelques-uns sont déjà tombés en pensant que ce n’était pas de la vraie eau »
C’est ce que nous confie la responsable de la communication Marine Charbonneau. Il est vrai que le cadre a de quoi surprendre, comme si c’était trop beau pour être tout à fait réel. Ici, l’ambiance est incomparable, presque magique, comme suspendue dans le temps. Deux rangées de statues échangent leurs reflets à l’endroit même où, il y a plus de 60 ans, des centaines de Roubaisiens et de Roubaisiennes apprenaient à nager. De part et d’autres du bassin, des expositions zigzaguent entre les anciennes cabines de douches. Et avec le bruit de l’eau et les rayons du soleil fardant sa surface, l’environnement donne envie de prendre le temps de tout admirer. Des créations de Jean-Paul Gauthier et d’Yves Saint Laurent aux sculptures de Camille Claudel et de François Pompon, le long du bassin ou bien le long du solarium, il ne faudra pas en manquer une seule goutte.
L’effort a été fait de conserver au maximum l’esprit du lieu, c’est ainsi que l’on découvre un peu plus loin derrière ces deux portes (sur la photo ci-dessus), une baignoire individuelle. Souvenir d’une époque où la vie à Roubaix — encore capitale mondiale du textile — est particulièrement insalubre. Les ouvriers bénéficiaient ici d’un lieu de repos bien mérité après de longues heures de dur labeur. Au deuxième balcon, les cabines de douches pour les groupes abritent désormais robes, bijoux et tissus en tout genre, le tout pour ne surtout pas oublier l’âge d’or de la ville.
Aujourd’hui, quand les yeux sont trop pleins de marbre et de couleurs, la pause on peut la prendre en terrasse. Ou bien à l’intérieur sur les tables du restaurant, quand le temps se fait capricieux. Et toujours avec une gaufre Méert, les préférées du général de Gaulle (et on comprend pourquoi).
Ici, les rétines seront loin d’être ménagées, tant chaque oeuvre mérite d’être appréciée, observée patiemment. Tout ne peut pas plaire mais rien ne détonne. Les artistes présentés ne comptent pas tous parmi les plus célèbres, mais la découverte est d’autant plus belle. La part belle est faite aux peintures réalistes, parfois aussi fidèles que des photos. C’est avant tout la cohérence des salles qui impressionne : à La Piscine, chaque oeuvre semble vivre pour les autres, comme si elle résonnait avec son environnement, en parfaite harmonie. C’est ainsi que se mêlent baigneuses et cyclistes, bustes et cygnes un soir d’été. Particulièrement lumineuses, les salles se jouent des ombres et des reflets, et le musée semble se métamorphoser à chaque instant.
A Roubaix, on peut tout de même admirer des oeuvres majeures. Notamment La Petite Châtelaine, une sculpture de celle qui, longtemps, n’exista qu’à travers sa relation avec Rodin, Camille Claudel. Cette sculpture, acquise avant même l’ouverture du musée aux dépends du musée d’Orsay tient une place particulière dans le coeur des Roubaisiens puisque ce sont eux qui financèrent massivement son achat en déposant en nombre des chèques à l’hôtel de ville. L’oeuvre est si précise que l’on en oublierait qu’elle est faite de marbre ; et les cheveux flottent si harmonieusement qu’il semble qu’à tout moment, ils pourraient s’animer. Là encore, c’est la salle dans son ensemble qui est à apprécier. Le petit garçon au chapeau a l’air de regarder La Petite Châtelaine, comme si l’immobilité n’était qu’un état transitoire d’embellie avant que le mouvement ne reprenne.
Ici, les jeunes — qui représentent un quart des 200 000 visiteurs annuels du musée — peuvent appréhender l’art par eux-mêmes. Grâce aux nombreux ateliers culturels, on apprend à regarder, papier et crayon à la main. Dans plusieurs salles, des malles renferment des jeux pour interagir avec les oeuvres. Ainsi, peut-être que certains se découvriront eux aussi une âme d’artiste.
Après des débuts plus que réussis, La Piscine veut voir plus grand et fermera ses portes d’avril à octobre afin de réaliser des travaux d’aggrandissement qui offriront 2000 m2 supplémentaires d’espace d’exposition. On retrouvera notamment une nouvelle galerie pour les sculptures, une reconstitution à l’identique de l’atelier du sculpteur français Henri Bouchard ainsi qu’une aile entièrement consacrée à l’histoire de Roubaix expressément dimensionnée pour accueillir une oeuvre de 6 mètres par 13 présentant l’inauguration de l’Hôtel de ville.
Alors que des bruits d’époques, cris d’enfants et éclaboussures, résonnent dans les haut-parleurs, c’est apaisé, rafraîchi et ravi que l’on quitte les lieux. Une visite que l’on ne peut que vous recommander.
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