À l’heure où la France dépose sa candidature pour l’exposition universelle de 2025 et où celle de Milan a lieu jusqu’au 31 octobre 2015, voici l’occasion de revenir sur cet événement atypique et planétaire.
Entre business, culture, cosmopolitisme et spectacle légèrement pompier : que deviennent les quartiers construits pour les accueillir ? Reportage à l’exposition de Milan et tour d’horizon de lieux l’ayant accueillie.
L’exposition universelle de Milan : événement culturel écolo ou business corrompu ?
Arrivés en banlieue de Milan, les chantiers sont encore en route, l’exposition semble mal finie. Les trois lignes de métro prévues ne seront finalement que deux dont l’une ne sera pas finie avant la fin de l’exposition.
Une longue route centrale de 1,5 km calquée sur les cités romaines vous emmène entre les pavillons de différentes nationalités, mais aussi de grandes marques. Des visiteurs du monde entier sont présents (20 millions y sont attendus), une ambiance cosmopolite règne incontestablement. En effet, il est rare, autrement qu’ici, de croiser successivement des moines bouddhistes, des hommes en keffieh et des touristes américains en tenue de safari. À cela se mêlent, restaurants et boutiques traditionnels de différents pays, on peut ainsi manger italien, mais aussi Équatorien, Tchèque ou Iranien. L’ambiance est agréable, on a l’impression de faire un tour du monde rapide et pas cher. Les énormes files d’attente devant les plus gros pavillons comme ceux du Brésil ou de la Chine contrastent avec le vide de certains plus petits comme celui de la République tchèque.
Le but officiel d’une expo ? « L’éducation du public, la promotion du progrès et la coopération internationale » affirme le Bureau international des expositions (BIE). Mark, un Suédois de 24 ans est venu faire cette « expérience, car il est de plus en plus rare que ce genre d’événements ne soient qu’à quelques heures d’avion ». Des Chinois, Indiens, Américains, profitent de leur tour d’Europe estival pour passer une journée dans cet endroit étrange. « C’était impensable de venir en Italie sans y passer », estime Lucas, un Californien de 20 ans. En fait, la plupart des visiteurs viennent pour être là ,tout simplement. Ils n’ont pas d’attentes particulières. L’aura de l’événement international ayant sortie de terre la Tour Eiffel suffit à donner l’envie d’y aller.
C’est avant tout un énorme business. À peine le chantier commencé et des scandales de corruptions dans l’attribution des marchés ont surgi. Les retards s’accumulent, et les opposants appelés les « No Expos » se font entendre dans toute l’Italie. Ils reprochent principalement le coût exorbitant, en temps de crise (3,2 milliards) de l’événement et la promotion faites à des multinationales peu soucieuses de l’environnement telles que Coca-cola ou McDonald.
Une propagande culturelle
Le thème ? « Nourrir la planète, énergie pour la vie ». Le principe est de se concentrer sur un thème à caractère universel susceptible d’intéresser toutes les cultures de la planète. On pourrait donc s’attendre à des pavillons évoquant la culture durable et écologique pour pouvoir nourrir l’humanité face au défi de l‘explosion démographique. Malheureusement, ce n’est pas le cas. De grands pays manquent à l’appel comme l’Inde ou le Canada. Ensuite, la plupart des pavillons évoquent plus l’URSS stalinienne que la Cité des sciences. La plupart des pays ne font qu’étaler une propagande promouvant leur politique agricole et leurs traditions. De la Thaïlande, qui oblige à regarder un film sur les miracles agricoles du roi en train de planter des graines, à la France qui met en valeur du camembert et du vin tout en expliquant que le régime alimentaire français est le meilleur du monde, tous se vantent de leurs acquis. Ludivine, venu de France pour l’exposition trouve le pavillon Français « très beau, mais peu compréhensible ». Pour une exposition censée montrer les évolutions technologiques, c’est dommage, car l’on n’apprend rien sur les techniques agricoles du futur. En revanche, sur les pratiques traditionnelles qui n’ont rien d’innovant comme faire pousser du riz en rizière ou faire du vin avec du raisin, on devient incollable. Ce n’est pas le camembert qui va sauver la planète de la faim.
Il y a tout de même des pays qui se distinguent. La Colombie explique avec pédagogie les spécificités de son territoire agricole qui comporte toute l’année les quatre saisons à différents endroits. La Corée du Sud expose un pavillon ultra moderne vantant la robotisation et certains comme le pavillon belge exposent des techniques d’agriculture hors sol, c’est-à-dire l’agriculture du futur.
Quant à l’architecture, un autre point d’intérêt de ces expositions, il y a de tout, du pavillon énorme et bling-bling du Qatar ou grand pavillon tropical du Brésil au simple stand de rhum de Cuba. La disposition des pavillons, alignés de chaque côté de la route principale évoque un parc d’attractions et donne un aspect superficiel à l’ensemble. Le temps des expositions universelles en cœur de ville, amenant agitation et émerveillement pour ses habitants, avec ses monuments comme le grand palais parisien est révolu. Une ambiance surfaite règne. Il y a bien quelques pavillons impressionnants et très réussis comme l’extérieur en bois du pavillon français, ou encore une forêt suspendue pour le pavillon vietnamien. Des prouesses architecturales et esthétiques sont bien présentes à Milan.
Pour l’animation, un spectacle de la compagnie Montréalaise le Cirque du Soleil est présenté tous les soirs, mais le héros de l’expo est le « Three of life » une tour en forme d’arbre futuriste symbolisant les énergie durables. Chaque heure, un spectacle de son et lumière pompier est organisé dans cette fontaine « arbre de vie » sensée être le symbole de l’exposition. Cette tour a d’ailleurs dû être moins haute que prévu faute de budget.
D’ailleurs, l’exposition se veut écologique en insistant sur les matériaux et techniques durables, mais la présence de pavillon Coca Cola et McDonald ou encore celui des « entreprises de Chine » laisse penser que le business prime sur l’apport techno-agricole des pays. Du reste, on a du mal à imaginer ce que ce quartier de la banlieue de Milan va bien pouvoir devenir par la suite.
Des quartiers inégalement réintégrés à la vie urbaine
Les quartiers ne sont pas toujours pensés pour être conservés, et lorsque c’est le cas, ce n’est pas toujours réussi. Le BIE est censé s’occuper de l’après-expo, pourtant l’héritage n’est pas toujours positif. À Milan, on y a réfléchi avant même que l’exposition n’ait commencé, ainsi, la plupart des pavillons seront détruits à l’exception de celui de l’Italie (le plus grand) et des constructions de décors ou jardins. En revanche, si des projets circulent tels qu’un pôle universitaire ou un centre de loisirs son avenir n’est pas encore fixé . Pourtant l’après-expo est tout aussi important — voir plus — que l’expo en elle-même pour les retombées financières, et le rayonnement culturel de la ville. D’ailleurs, la France va vendre aux enchères son majestueux pavillon de bois.
À Séville par exemple, le quartier de l’expo de 1992 est devenu un vaste no man’s land dans lequel de grands pavillons vides côtoient des rues vides. Le quartier entièrement mort prend une place importante de la ville sans n’avoir aucune utilité. Les vestiges du logo « Séville 92 » qui traîne sur les plaques d’égout et les poubelles sont les seuls éléments qui rappellent le passé glorieux de cet espace. Ainsi, l’investissement qui doit être un moyen de développement de la ville et une chance pour le pays se transforme en un vaste boulet urbanistique.Certes, une activité économique s’y développe avec des pavillons transformés en bureau et contribue ainsi au PIB de la ville, mais l’espace est désert et est loin d’être un lieu de prestige qui mettrait en avant l’héritage technique de l’organisation sévillane.
Au contraire, Lisbonne qui a organisé une exposition internationale en 1998 l’ a pensé de manière à créer un nouveau quartier intégré à la ville plutôt qu’un îlot éloigné. Du coup, le quartier qui était boudé par les classes moyennes à cause de sa mauvaise réputation sécuritaire en accueille de plus en plus, il fait partie des hauts lieux touristiques de la ville. Des pavillons se sont transformés en lieu de conférence, aquarium ou salles de spectacles.Sa position sur le bord du Tage a permis la construction du pont Vasco de Gama, l’un des plus longs du monde. Cet ensemble a créer un environnement agréable à la vie de tous les jours ainsi qu’à la promenade touristique.
Montréal est aussi un exemple atypique. Accueillant l’expo universelle de 1967, sur des îles (Notre Dame et St Hélène) en son centre, elle a réussi à mixer à la fois la centralité et la périphérie. Des aménagements de jardin ont été conservés ainsi que le pavillon américain qui est devenu la biosphère de Montréal. En revanche, le lieu a longtemps été à l’écart du tissu urbain montréalais alors même qu’il en est au cœur. Mais après de longues années, ces îles accueillant musées, festivals ou encore grand prix de formule 1, sont devenues un lieu central de la vie montréalaise.
Ainsi l’héritage de l’expo est compliqué entre les dettes énormes de Hanovre et la difficulté de réinsertion au tissu urbain de Séville ou Montréal. En revanche, cela permet toujours en quelques années de construire des infrastructures et de développer une ville en un temps dix fois moins long. Ainsi, Séville a eu la première ligne grande vitesse d’Espagne, un aéroport a été rénové en Chine, des lignes de métro ont vu le jour comme à Shanghai en 2010 où deux lignes ont été crée comme à Milan. De plus, les quartiers du centre bénéficient d’une rénovation systématique. Les buts éducatifs et culturels sont très peu réussis, mais le développement des villes et l’esprit cosmopolite sont incontestables.
0 Comments