A l’heure où l’Inde, en façade progresse tranquillement vers le statut de pays développé, certaines de ses régions demeurent méconnues du grand public. Découvrez l’envers du décor du pays le plus peuplé du monde.
Ruth Prawer Jhabvala disait : « L’Inde change toujours les gens ». Avec Gabriel Cohen, en tout cas, cette formule est absolument vérifiée. Étudiant de 22 ans, il a choisi de marquer un temps d’arrêt dans ses études pour partir avec Développement Sans Frontières (ndlr : filiale de Médecins Sans Frontières qui oeuvre à partir de bénévoles dans toutes sortes de missions humanitaires) et apporter son aide dans un orphelinat. Armé de sa guitare et de sa bonne humeur, il s’est envolé sept semaines à Coimbatore, dans l’État du Tamil Nadu, au Sud de la péninsule.
Radio Londres (RL) : Qu’est-ce qui t’a donné envie de voyager, et plus particulièrement en Inde ?
Gabriel Cohen (GC) : Ce qui m’a donné envie de voyager, en premier lieu, c’est mes parents, parce qu’ils ont beaucoup parcouru le monde. Et le fait que j’ai la double-nationalité française-canadienne… Depuis que je suis tout petit je vais souvent au Canada. Du coup forcément, quand tu commences à voyager jeune, après ça devient un peu une habitude, t’as toujours envie de découvrir d’autres pays. Pourquoi l’Inde particulièrement ? J’ai un proche qui va en Inde tous les ans depuis qu’il est étudiant. Il m’en a souvent parlé, et l’Inde en plus de ça est un pays qui m’a toujours fasciné. C’est la plus vieille culture au monde, qui a 4000 ans… Culturellement et intellectuellement, l’Inde est vraiment un pays très attirant.
« Quand tu arrives dans la rue, c’est indescriptible »
RL : En arrivant en Inde, y a-t-il des choses qui t’ont surpris ?
GC : Oui, clairement ! Quand tu arrives en Inde, c’est extrêmement perturbant, parce que tu te fais surprendre par tout en même temps. Autant par les odeurs, le climat… tout en même temps. En général, quand tu arrives dans un pays, quand tu es dans l’aéroport, tu as encore l’impression que c’est un peu pareil tant ces lieux sont devenus aseptisés. Là tu arrives en Inde, tu comprends vraiment tout de suite où tu es, dès le couloir de l’avion qui tombe en morceaux, des odeurs de pourriture avant même de sortir de l’aéroport.. Tu sors de l’avion, t’as une statue hindoue… Et quand tu sors de l’aéroport, tu ressens la chaleur tropicale, surtout physiquement.
Quand tu arrives dans la rue, là c’est indescriptible. T’as des animaux partout, les voitures ne se déplacent qu’en klaxonnant, tu as 10 fois plus de voitures sur les routes qu’en France. Les rues se résument à des grandes décharges, à d’innombrables déchets, des gosses qui courent partout. Alors oui, le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est vraiment très surprenant au début.
RL : Ils conduisent comment les Indiens ?
GC : En fait, le permis de conduire là-bas, c’est juste un papier administratif, il n’y a pas d’examen à passer. Il n’y a pas de code de la route non plus, la seule règle c’est de conduire à gauche. Le reste, c’est tout au klaxon, avec des sonorités différentes en fonction de la taille : un camion aura un klaxon plus grave, une petite voiture plus aigu… Mais le brouhaha des klaxons est vraiment impressionnant, en revenant sur les routes en France, on a vraiment l’impression que tout le monde est mort.
RL : Coimbatore, c’est plutôt une ville développée ou un bidonville ?
GC : Généralement, les bidonvilles vont avec les villes développées, puisque plus les villes sont développées, plus les bidonvilles sont grands. Forcément les gens viennent des campagnes pour trouver une situation.
Mais c’est une ville dans le Tamil Nadu qui est très importante, très riche, c’est vraiment le carrefour économique de la région, il y a énormément d’usines, de manufactures. Par contre, oui, il y a beaucoup de pauvreté aussi, pas mal de bidonvilles. Je n’étais pas personnellement dans un bidonville, mais dans un quartier toutefois pauvre. Je travaillais dans un orphelinat chrétien-catholique, à l’intérieur d’un quartier musulman dans une ville à majorité hindoue. C’était quand même un quartier plutôt pauvre, même pour l’Inde.
RL : Justement tu parles d’orphelinat chrétien dans un quartier musulman… Comment cohabitent les religions dans l’univers indien ? On sait que les conflits religieux ont existé…
GC : C’est vrai que les conflits religieux font partie de l’histoire de l’Inde (pogroms anti-musulman au Gujarat en 2002, destruction de mosquées, ndlr). Après, ce n’est pas du tout dans la même région…
Mais l’Inde c’est vraiment LE pays au monde de la diversité religieuse, autant dans ses côtés lumineux que dans ses travers.
A la base, vraiment pour résumer, l’Inde est un pays Hindou mais qui a été conquis presque entièrement par les musulmans, par les Mongols. Les Hindous ont ensuite repris leur indépendance après 250-300 ans. Donc il y a des tensions assez sous-jacentes entre les Hindous et les Musulmans. Mais à côté de ça, c’est vraiment le pays des religions. Il y a quatre religions qui ont été créées en Inde (jaïnisme, sikhisme, bouddhisme, hindouisme). Cela reste quand même des religions importantes, et l’Islam est la religion de 10,9 % des Indiens aujourd’hui. Tu calcules 10,9% de 1,2 milliards et tu en comprends assez vite l’importance.
J’ai pris une grande leçon de vie en Inde justement sur les rapports entre les religions, avec le fait de vivre dans cet orphelinat chrétien, dans ce quartier musulman de cette ville hindoue…
J’ai parlé à des musulmans, j’allais visiter des mosquées puis des temples hindous. Il y a un espèce de respect mutuel des religions qui est extraordinaire. Toute leur richesse vient de là en fait, du fait qu’ils arrivent à se respecter les uns les autres. Après ça fait tellement longtemps qu’il y a toutes ces religions qui cohabitent que les relations n’ont eu que le temps de s’améliorer.
Après c’était le sud de l’Inde : le Tamil Nadu, c’est totalement différent du nord de l’Inde. Dans le Nord, ils ont eu la partition en 1947 (partition qui a donné lieu à la création du Pakistan, nldr), quand les Anglais sont partis et que les Indiens ont repris leur indépendance. Et là, ça a été un des plus grands massacres religieux de l’histoire, avec je crois presque un million de morts, la création du Pakistan et celle du Bangladesh.
Ça a été pour eux une leçon immense, donc le gouvernement indien a mis justement des mesures en place pour qu’il y ait une meilleure intégration des autres religions. Par exemple, l’armée doit avoir un tel pourcentage de Sikhs, un tel pourcentage d’Hindous, etc. et c’est la loi, c’est comme ça.
Il y a bien sûr, comme partout, un parti extrémiste hindou, un parti extrémiste musulman, qui sont très forts. C’est toujours pareil, c’est l’histoire du monde. Évidemment les partis extrémistes veulent que leur religion prédomine et qu’elle soit la seule représentée, mais la politique indienne au pouvoir compte quand même des gens assez ouverts d’esprit, qui sont pour la paix et qui vont dans ce sens là.
RL : Donc les religions se mélangent sans souci ?
GC : Ah non pas vraiment, tu te maries entre personnes de ta religion, c’est quasiment impossible de se marier avec quelqu’un d’une religion différente. Bien que ce ne soit pas inscrit dans la loi, c’est profondément ancré. Surtout que la plupart sont des mariages arrangés.
RL : Tu peux nous raconter ta journée type à l’orphelinat ?
GC : Alors en gros, une journée type : le matin, pendant environ 3 heures, je donnais des cours d’anglais aux grands qui étaient fin collège/lycée. On communiquait en anglais, ils avaient des bases car ils vont tous à l’école, qui est obligatoire dans le Tamil Nadu. Mais il y avait quand même des grands écarts de niveau en anglais. Quand tu regardes le niveau d’anglais au collège en France, alors imagine en Inde.
L’après-midi je m’occupais des enfants de ce qu’on appelle la CWC (Children Welfare Care) ou la Child Line. C’est une partie de l’orphelinat qui ne prend que les enfants en urgence qui ont été trouvés dans la rue et ramenés par la police.
C’est une sorte de « Prison » pour ces enfants, en attendant qu’ils passent en procès, que leur situation soit éclaircie par la justice et qu’on sache où les envoyer exactement. Je m’occupais donc de ces enfants là. Ils vivaient dans des conditions assez terribles pour moi, ils passaient leur journée enfermés une pièce, mangeaient et dormaient par terre.
Évidemment, les enfants de l’orphelinat leur étaient hostiles. C’était vraiment dur pour eux, certains vivaient, logiquement, assez mal cette situation. Je dessinais avec eux dans des ateliers dessin, je restais avec eux, je jouais aux échecs.. C’était vraiment selon mon humeur : soit j’organisais des activités, soit je discutais avec eux tout l’après-midi.
C’est un rythme très indien en fait. Nous en Occident on est très carré, emploi du temps, planning… Quand je suis arrivé, moi même j’étais beaucoup dans ce délire là, alors qu’eux ont une manière de vivre totalement différente. Quand je demandais un ballon par exemple ça prenait au moins 3 jours, mais c’est comme ça que ça fonctionne là bas. Et au bout d’un moment je suis rentré dans ce rythme tout simplement, quand tu te rends compte que dans un endroit, si tu veux faire quelque chose à ta sauce, ça va te prendre beaucoup d’énergie et ça ne va pas forcément marcher. Donc des fois j’ai passé l’après-midi entière à regarder la télé (en Tamul) avec eux parce que c’est juste ce qu’ils voulaient faire.
« Le système des castes n’est aboli qu’officiellement »
RL : Pas mal d’études parlent de la situation des enfants en Inde, parfois même allant jusqu’à la servitude. En as-tu été témoin ?
GC : Alors oui effectivement, moi j’ai vu des choses qui m’ont traumatisé à vie en Inde, notamment la CWC, cette pièce dont je te parlais, cet « enclos ». On avait vraiment tous les cas de figure imaginables. J’ai eu des enfants « esclaves », c’est-à-dire qui avaient perdu leurs parents et qui étaient utilisés pour travailler par des familles. Ils vendaient des objets dans la rue en échange de nourriture par exemple. Dans la loi indienne c’est considéré comme de l’esclavage. Et les enfants qui arrivaient à s’enfuir étaient recueillis par la police et amené à la CWC, si les familles n’étaient pas démasquées avant.
La CWC, c’est vraiment la deuxième ligne où on envoie les enfants en cas d’urgence. La première, c’est un tribunal où on décide si l’enfant est dangereux. S’il l’est, il est emmené dans une prison pour enfants dangereux. Sinon, il peut venir à la CWC. Évidemment t’avais des enfants qui passent à travers le filtre, en 5 minutes on peut pas savoir si un enfant est dangereux ou pas, donc on avait aussi un peu de violence.
J’ai vu des enfants esclaves et c’est absolument terrifiant, des enfants à 8-9 ans qui avaient des problèmes de drogue, des problèmes de sexe… Tu ne pouvais pas laisser les gamins ensemble tout le temps sinon tu en avais toujours un qui prenait très vite le dessus sur l’autre, des choses que je n’ai jamais vu en France chez des enfants de 8-9-10 ans, bien que je sois animateur enfant.
Mais ce qui m’a vraiment le plus choqué c’était un enfant de 14 ans qui était accro à un espèce de détergent et qui vivait dans un bidonville depuis quelques mois. Il avait développé une maladie de peau à cause de ça, on devait lui attacher les mains pour qu’il ne se fasse pas saigner en se grattant. L’enfant qui pleure pour pas que tu l’attaches… Ce sont des choses qui te marquent.
Et encore, ça c’est les enfants qui avaient la chance, quelque part, qu’on les récupère à la fin.
Après c’est difficile de juger la situation des enfants. L’Inde est un pays où il y a beaucoup de misère. La différence avec les autres pays pauvres (même si on ne la considère en soi plus comme telle), c’est qu’il y a les castes. Ça fait énormément de différences. Quelqu’un de la caste inférieure doit beaucoup à quelqu’un de la caste supérieure. Alors, quand tu travailles pour quelqu’un de la caste supérieure et qu’en plus il y a des relations économiques, tu peux t’imaginer que ça peut aller très très loin.
RL : Le système des castes n’était pas aboli ?
GC : Alors le système des castes est aboli officiellement dans un contexte de travail ou un contexte de politique c’est-à-dire que tu ne peux pas refuser la candidature de quelqu’un parce qu’il est d’une caste inférieure pour un poste.
C’est comme en France, officiellement tu ne peux pas refuser la candidature de quelqu’un parce qu’il est étranger. Pourtant, plein de tests on été faits et on a découvert qu’un nom à consonance arabe a moins de chance d’être retenu qu’un nom à consonance française, même s’il a plus d’années d’études. Et ça en France, pays des Droits de l’Homme, alors il est possible d’imaginer qu’en Inde ce n’est pas respecté…
Puis en Inde, ce système est la base de toute la société. Toutes les religions ont des castes. Les chrétiens, les juifs, les hindous, les musulmans… Ils ont tous des castes. La caste est plus importante que la religion. Il y a la société (l’organisation sociale), puis la religion. C’est un sujet très sensible. J’ai demandé aux prêtres quelle était leur caste, qui m’ont fait comprendre que je ne devais plus jamais poser cette question (même si en général, quelqu’un qui devient prêtre vient d’une caste supérieure). Comme pour les mariages inter-religions, les mariages entre deux castes différentes sont très très rares.
« La religion, c’est comme la musique : on t’en donne la passion durant l’enfance »
RL : Les enfants se raccrochaient beaucoup à Dieu dans la misère ?
GC : Oui ils se raccrochent beaucoup à Dieu, mais c’est normal. Quand tu es dans une communauté religieuse, tu es élevé de façon religieuse.
C’est comme la musique : si on te l’apprend dès ton enfance, on ne t’oblige pas à être musicien. On te donne la passion de la religion dès ton plus jeune âge, après ça ne devient plus une contrainte, tu l’entretiens par toi-même parce que ça te semble normal. Évidemment, Dieu prend une place extrêmement importante dans leur vie, ça leur permet d’aller de l’avant. De toute façon, dans les sociétés religieuses, les gens sont fondamentalement heureux. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un de malheureux en Inde. Les concepts de dépression, de malheur ce sont des concepts Occidentaux.
Je suis complètement athée mais j’ai toujours trouvé que la religion est quelque chose d’extraordinaire.
RL : Les enfants se rendent compte qu’ils sont dans la misère ? N’ont-ils pas l’impression que Dieu les lâche, d’une certaine façon ?
GC : Tu as misère et misère. Quand je suis arrivé, Français que je suis, je voyais la misère partout : des gens qui vivent dans de véritables poubelles, les femmes qui transportent l’eau sur leur tête, les gens qui vivent avec leurs animaux d’exploitation, pour moi c’était la misère. Mais au final pour eux ce n’est pas du tout la misère, c’est la vie normale. Leur degré de comparaison avec ce qui est « normal » est bien inférieur au nôtre. Pour moi c’était donc très difficile d’estimer qui était dans la misère et qui ne l’était pas.
En ce qui concerne le désespoir, s’ils se sentent abandonnés par Dieu, je pense justement que c’est le contraire. Les religions sont dans les pays pauvres majoritairement, ce n’est pas pour rien. La règle humaine en quelque sorte, c’est que plus les gens sont pauvres, plus ils se rattachent à Dieu, par beaucoup de mécanismes différents les uns des autres. Donc ça s’applique forcément aussi aux enfants.
RL : Qu’en est-il des fêtes, tu en as célébré ?
GC : J’ai vu une fête à Tiruchirappalli. Il y a le plus grand temple du monde, avec une tour de 78 mètres de haut. C’était absolument extraordinaire, plein de couleurs… On ne trouve rien de comparable en France. Mais en Inde, la religion c’est à la fois le loisir, le côté social et à la fois la religion. Les jeunes n’ont pas de copines (quoi que dans les villes développées ça commence à se faire), surtout dans le Tamil Nadu qui est un État très conservateur. Bien sûr ils font du sport, ils ont des loisirs mais le loisir numéro un c’est la religion. Un petit peu comme en France jusqu’à la fin du XIXème siècle, quand on avait vraiment le côté religieux qui était très fort. Sous beaucoup de formes d’ailleurs, l’Inde est comparable à la France de cette époque. Non pas que l’Inde soit retardée d’un siècle, loin de là ! Je parle ici simplement de comparaison en terme de société religieuse.
RL : Ces derniers temps, beaucoup de médias indiens témoignent de l’effervescence du peuple envers Narendra Modi. Comment ça se passe à Coimbatore ?
GC : Alors Modi, dans l’orphelinat où j’étais c’est vrai qu’on en a beaucoup parlé. Et il n’est vraiment pas aimé.
En soi, c’est quelqu’un qui a vraiment beaucoup fait pour l’Inde. L’Inde, c’est l’exemple économique de la réussite du libéralisme absolu. Tu laisses l’économie se faire toute seule, sans rien ajouter, tu ne mets aucune contrainte, (tu diminues les taxes aux entreprises) et l’activité économique qui se crée agit sur le développement. On considère qu’en Inde, il y a 200 millions de personnes qui sont sorties de la misère en moins de 30 ans, ce qui est inimaginable.
Et Modi est vraiment dans cette lignée là.
Mais au delà de ça, j’étais dans un orphelinat, un milieu social, donc des gens qui ont une pensée plus socialiste : il est absolument détesté, parce qu’il ne fait pas beaucoup pour les minorités, etc.. En plus de ça, ce qui n’est pas vraiment mis en exergue dans les médias qui en font l’éloge, c’est qu’il a un massacre sur les bras. Il a une part de responsabilités très importante dans le massacre du Gujarat en 2002 qui a fait presque 2000 morts (pareil, expliquer avec une « ndlr »), en majorité musulmans. Il était au gouvernement, et disons qu’il n’a rien fait pour atténuer les violences. Ça joue beaucoup dans sa réputation politique, et notamment chez les Musulmans, de fait.
Après il est aussi le président d’un pays d’1,2 milliards d’habitants, 1/6ème de l’humanité. Depuis la partition il y a eu plusieurs présidents assassinés (qui ? -> « ndlr »). Donc est-ce que c’est possible de diriger un pays aussi grand sans faire de massacre et sans tuer ? Je pense que c’est une grande question philosophique.
RL: Un peu plus léger maintenant. Toi, tu es guitariste. Quel était justement le rapport des Indiens que tu as rencontrés à la musique ?
GC : La musique pour moi ça a été très simple : c’était ma guitare, je la prenais et jouais avec les enfants. Les enfants dansaient, ils adorent vraiment ça. Chanter n’est pas leur fort, mais il dansaient beaucoup. J’ai aussi fait des « ateliers » avec des mini-percussions, et on faisait des petits morceaux avec la guitare. Après c’était très improvisé, parce que les enfants soit parlaient très peu soit pas du tout anglais. Donc la communication était beaucoup plus sur une base émotive, pour des jeux de basiques. Mais dès qu’il faut rentrer dans les détails, quand tu ne parles pas la même langue c’est très difficile.
RL : L’Inde, c’est le pays du cinéma, de Bollywood. Tu l’as ressenti un peu ça ?
GC : Pas du tout parce que dans le Tamil Nadu ils ont leur propre cinéma : Kollywood. De ce fait, ils ont quand même un gros rapport avec le cinéma. Il y en a beaucoup, beaucoup de films, surtout d’action, pas aussi spectaculaire que le cinéma américain mais comparativement aux moyens c’est impressionnant. La culture Tamul est extrêmement forte : ils ont leurs musiques, ils ont leurs livres (bon, même si personne ne lit…), ils ont leur présentateur télé, leurs émissions d’actualité, leurs journaux. En fait, l’Inde est un continent, et le Tamil Nadu est vraiment un pays dans un pays.
RL : Quels sports pratiquent les Indiens?
GC : Alors le sport en Inde c’est le cricket comme peut l’être le football pour nous. Dès que tu as vingts mètres carrés dégagés tu vois des gamins y jouer, avec un bout de bois si il faut. Après on jouait beaucoup au volley aussi, pieds nus, ballon crevé, mais l’essentiel c’est de s’amuser.
Le sport c’est extrêmement important en Inde, ils sont tout vraiment branchés sur le sport. Autant au niveau de la pratique individuelle que de la passion pour les équipes professionnelles.
Par contre, pour moi c’était impossible de faire un footing, à cause de la qualité irrespirable de l’air (bien que certains habitants pratiquaient régulièrement la course) et du trafic totalement désordonné.
RL : C’était à ce point pollué ?
GC : Ça peut paraître cru à dire mais c’est vraiment une grande poubelle. Les gens jettent leurs déchets par terre et les animaux les mangent. Or, ça reste une société de consommation (tout est relatif mais c’est avéré), et tout ce qui est consommé est dans un emballage, qui finit par terre. C’est comme si tu allais dans une décharge faire ton footing du matin, c’est inconcevable pour quiconque a de l’odorat. Le matin, quand je conduisais les enfants à l’école, juste après avoir petit-déjeuné, j’étais réellement sur le point de vomir. Même quand je me baladais deux heures en ville, c’était pénible. En revenant, c’était sieste obligatoire. Je fais tout le temps la blague « Il faisait 40 degrés pendant deux mois et j’ai pas pris un coup de soleil », mais c’est parce que le soleil tu ne le vois pas : un nuage constant de pollution persiste dans le ciel.
Mais derrière ça, c’est tellement beau. Quand tu sors le soir, tu vois tous les rassemblements des habitants, les appels des Mosquées, les groupes de vieux assis ensemble, les enfants qui viennent te parler, les personnes qui viennent te serrer la main.. Le Tamil Nadu, c’est incontestablement le plus beau « pays » que j’ai vu de ma vie.
Propos recueillis par Clément Delemazure
Revenu de son périple, Gabriel a depuis lancé, avec 3 autres étudiants, un projet pour améliorer la situation des enfants de la CWC. Tous les détails sont à retrouver sur le site du projet, disponible ici : https://lesdortoirsdelespoir.wordpress.com/wp-admin/customize.php?url=https%3A%2F%2Flesdortoirsdelespoir.wordpress.com%2F
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