Ancien militant, devenu citoyen las et journaliste (un peu gonzo) à mes heures perdues, j’ai voulu, curieux, rencontrer l’indéfinissable “Mouvement Commun”, à qui certains reprochent déjà d’être beaucoup de choses avant même qu’il ne soit. Le 8 novembre dernier, ce sont des centaines d’individus, remplis de leur expérience, qui sont venus comme moi, voir naître un embryon encore brouillon. Ni Epinay, ni ATTAC, ni parti, ni think tank, mais un espace à définir. Je crois que personnellement je retiendrai pour le moment quelques images, mi poésie, mi politique, sans tabou, le mouvement encore indicible, se définit d’abord par la multitude ; en somme le kaléidoscope des espoirs qu’il concentre. On pourrait presque résumer ça en un mot : multitude, terme cher à Foucault, qui prenait sens à La Parole Errante. Je voudrais désormais à travers quelques portraits faire revivre l’amplitude de ces individus qui le temps d’une journée ont fait un “nous”.
Qui sont-ils et pourquoi eux ?
S’il y a bien une chose que je voulais retenir de ce rassemblement, c’est la dépersonnalisation politique de l’initiative ; il ne s’agissait pas de mettre les fondateurs venant du monde politique en première ligne, mais bien d’ouvrir un espace de dialogue propre à chacun des participants. Alors, au fil du hasard, en traînant dans cet ancien studio de George Méliès, aux airs de friche soixante-huitarde, j’ai rencontré une série d’individus que vous connaissez peut-être déjà, ou peut-être pas. J’ai tenté de garder les cinq mêmes questions pour chacun, tout en permettant aux choses qu’ils avaient envie de dire d’être dites et cela avec leurs propres mots. Commençons.
Sylvie
Bonjour, qui êtes vous ?
Je m’appelle Sylvie, j’ai travaillé 35 ans dans une grande entreprise mais j’ai fait partie en 2014 d’un “plan de sauvegarde de l’emploi” comme on les appelle, donc depuis je suis une autre inscrite au pôle emploi. Et je suis par ailleurs syndicaliste. Je m’investis au Parti Socialiste et dans la CFTC.
Pourquoi être ici ?
Par mon histoire familiale et personnelle, je n’arrive plus à accepter que 30% des jeunes autour de 25 ans choisissent le Front National quand ils votent, et donc accepter que le FN soit aussi haut dans la représentation démocratique. Et je n’arrive pas non plus à accepter que les gens qui ont été élus par le peuple de gauche soient en train de trahir leurs engagements, même si le mot est fort. Ma présence ici est finalement le résultat de plein d’erreurs commises par la gauche et la politique depuis des années et évidemment de la volonté d’un vrai changement de société. J’observe aujourd’hui un besoin de changement dans la politique, notamment de la part des jeunes. Ma génération est née avec un stylo dans la main, et eux avec une souris, ça change forcément les rapports sociaux et le rapport au politique. Et je crois que ça appelle à des mises en action plus concrètes de la politique. Pour la gauche ça doit être plus de solidarité et de développement économique durable, et bien sûr plus d’écologie mais bon, ça on n’a plus vraiment le choix. Je crois qu’on en est à la survie de l’espèce humaine sur cette question ! Et aucun parti politique de gauche n’arrive vraiment à être à la hauteur sur l’ensemble des ces questions donc pourquoi pas un mouvement commun ?
Sur le mouvement commun, comment voyez-vous la forme du rendez-vous ?
Je suis venue les oreilles ouvertes, car je n’ai pas d’a prioris, ni même de certitudes. Est-ce qu’il faut que ça devienne un mouvement politique au sens classique du terme ou est-ce que c’est une association qui font des micro-actions très concrètes ou même un mouvement philosophique ? En tout cas je suis là et je vais écouter.
Et enfin sur le fond, êtes-vous là car Pouria Amirshahi (co-fondateur) est un député dit “frondeur” ou est-ce que finalement vous êtes aussi là pour ouvrir votre réflexion au-delà de ce face à face avec le gouvernement ?
Disons que je suis là pour les deux raisons, effectivement je suis plutôt dans l’esprit frondeur dans le Parti Socialiste, je me pose même la question de mon engagement dans celui-ci, mais je suis aussi en attente d’idées et d’actions de la part de tout le monde. Je veux en savoir plus sur les actions qui changent la vie des gens au quotidien et sans a priori avoir des discussions aussi très politiques. Je resterai les oreilles grandes ouvertes !
Christian
Bonjour, qui êtes-vous ?
Je suis Christian Paul, citoyen français et député de la Nièvre.
Que faites-vous dans la vie ?
Dans la vie, on peut dire que j’ai deux vies ! J’ai mon travail de représentant du peuple à Paris dans l’Assemblée Nationale, et j’ai une deuxième vie avec mon travail dans le territoire à la fois industriel et rural qui est le mien, où je suis en ma fonction de député mais aussi de “d’animateur” du développement local. C’est ainsi que je le vois.
Et pourquoi être ici aujourd’hui ?
Parce que je crois, depuis de nombreux mois, que les partis politiques traditionnels de la gauche ne parviendront pas tout seul à redonner un souffle, un projet politique pour ce pays. Ils sont aujourd’hui englués et tétanisés dans l’exercice du pouvoir. Et que beaucoup des engagements qui ont été pris par ceux-ci ne sont pas tenus et qu’il faut trouver des espaces nouveaux dans lesquels on se donne de la force collective, dans lesquels on invente des formes nouvelles de politique. Je fais souvent mienne cette phrase de Tchekov : “il faut des formes nouvelles, sinon rien.” Il l’appliquait au théâtre, je pense que ça peut aussi s’appliquer à l’espace public.
On avance sur ma prochaine question, que pouvez-vous nous dire de la forme prise par la journée d’aujourd’hui ?
Je pense que ça doit être une invention collective. Pour le moment il y a d’abord un rassemblement de personnes qui veulent participer à un lancement, une fondation d’un mouvement. Aujourd’hui ça va d’abord être un temps de débat, de confrontations, où les esprits, j’espère, vont s’ouvrir. Après il faudra tenter des formes de vie commune, un mouvement ce n’est pas une succession de rendez-vous, et là-dessus je n’ai pas de religion. Je pense qu’il faut à la fois être inspiré par des formes qui s’inventent ailleurs en Europe ; on peut citer bien sûr Podemos – on échange avec Pouria Amirshahi depuis longtemps sur ce sujet. Mais il faut aussi avoir en tête un certain nombre de renouveaux démocratiques qui ont été tentés et parfois comprendre pourquoi ils ont échoué. Par exemple les mouvements que la France a vu naître avec l’altermondialisme dans les années 90. Ce que je crois, c’est que nous ne sommes pas devant une page blanche, il ne faut pas oublier les combats passés et même faire mieux que ceux-ci. Car si la gauche est dans l’état que nous connaissons aujourd’hui c’est bien aussi parce que les tentatives de la réinventer n’ont pas fonctionné. C’est donc un sacré défi, mais ça ne doit pas être un fardeau, chaque époque a su inventer des formes nouvelles.
Mes questions étant très simples, on peut enchaîner rapidement sur le fond, mouvement commun c’est quoi ? C’est un “truc de frondeurs” ou faut-il le voir comme un dépassement ?
Ce que les médias ont appelé le Fronde c’est une bataille parlementaire qui est née après les défaites électorales de la majorité socialiste et qui s’est beaucoup portée sur les questions économiques, sociales, fiscales et budgétaires. Mais je pense que ceux des socialistes qui ont mené ces combats ont bien un courant d’idées dans le Parti Socialiste mais il me semble aussi, qu’il faille trouver des espaces où la forme partisane ne soit pas prédominante. Il faut qu’on aille dans la société, avec les citoyens, pour trouver les formes embryonnaires des nouveaux modèles économiques, culturels, du vivre-ensemble, que ce soit dans les quartiers ou dans les territoires ruraux. Le pays aujourd’hui est un vaste laboratoire qu’il faut défricher et en même temps trouver une formule politique à tout ça, sinon chacun expérimente dans son coin et ça ne fait pas un projet politique commun. Enfin le temps passe, le compteur tourne, il faut savoir se saisir des causes communes que la période impose, notamment la question de l’accueil des réfugiés, les questions climatiques, mais aussi fiscales. Voilà ce que j’aimerais trouver dans les débats d’aujourd’hui.
Alors mouvement commun, ni frondeur, ni réformiste ?
Inspire profondément. Oui tout cela à la fois. Donc quelque chose d’autre. C’est une alchimie, une hybridation, de différentes histoires. La France c’est le refus du conformisme et du libéralisme, le réformisme s’il est réellement de gauche n’est pas un problème, mais ce qu’on voit dans l’expérience de la gauche au pouvoir c’est un réformisme libéral, et là nous avons des désaccords.
Manuel
C’est parti ! Qui êtes-vous ?
Manuel Menal, je suis militant communiste et fonctionnaire territorial.
Avez-vous d’autres engagements que ceux de votre travail ?
J’ai des engagements dans le domaine du logiciel libre et de la connaissance libre.
Pourquoi être ici aujourd’hui ?
Parce que ça fait maintenant deux ans qu’on se dit qu’il y a quelque chose qui doit bouger dans la recomposition de la gauche et ça fait deux ans qu’on espère que ça bouge un peu partout. Et c’est intéressant d’être ici pour observer les changements de ce côté du spectre politique, donc la gauche du PS parce que c’est beaucoup ça aujourd’hui, mais on espère que ça peut entraîner des mouvements au-delà.
Qu’est-ce que vous pourriez dire sur la forme mise en avant aujourd’hui ?
Ce que je trouve intéressant dans toutes ces initiatives, celle d’aujourd’hui ou celles organisées par différents mouvements, on a tous essayé des formes qui changent un peu, des tribunes libres, plus de participation. On voit bien une recherche, certainement pas finie, de faire de la politique autrement. Ici par exemple, il n’y a pas de tribune, les gens sont face à face, on voit bien qu’il y a une dépersonnalisation de l’initiative. Ça me plaît de voir qu’on essaie tous un peu ça, puisque ça doit vouloir dire qu’on cherche tous un peu la même chose, en se demandant : c’est quoi faire de la politique autrement ?
Et en tant qu’identifié communiste, tu es venu ici pour entendre quoi ? La gauche du PS, des citoyens ?
Je suis venu voir qui vient déjà, ça m’intéresse, évidemment il y a beaucoup de gens de la gauche du PS mais je vois ici des personnes d’Ensemble, des camarades communistes, et que finalement il y a aussi pas mal de jeunes. Ensuite je suis surtout venu voir ce qui émerge en terme de volonté commune, est ce qu’on parle de 2017, de structures, de programmes ? Je veux savoir quels sont les préoccupations qui existent ici : une candidature commune à la présidentielle ? La création d’un parti ? C’est bien sûr pas ça le mouvement commun, mais il doit bien y avoir ça derrière.
Il y a une certaine méfiance finalement dans ta présence ici ?
Non pas une méfiance, au contraire, il faut prendre tout ce qui existe et comprendre les questions qui traversent chacune des sensibilités de la gauche pour réfléchir aux gestes de rassemblement de demain qui pour moi sont nécessaires.
Marie
Bonjour, qui êtes-vous ?
Bonjour, je suis Marie, je viens de Limoges. J’ai 66 ans, je suis en retraite du CNRS, éditrice et responsable associative dans le domaine culturel.
Pourquoi être ici ?
Je suis venue à Montreuil pour la naissance du Mouvement Commun parce que toute la plateforme qui avait été diffusée sur le net, je dis bien toute car chaque mot me parlait, me paraissait juste, donc j’ai considéré que j’avais ma place dans l’évènement fondateur. Moi ce que j’aimerais mettre en exergue c’est l’importance de la culture pour tous les gens qui à l’heure actuelle sont à l’écart de cette culture, et je remarque que ces “non-publiques” comme le philosophe Francis Jeanson les nommait déjà en 1968, ces nouveaux non-publiques ce sont les mêmes qui ne participent pas beaucoup à la vie citoyenne, ceux qui ne vont pas voter par exemple. Donc je fais un lien entre un déficit culturel, un déficit de démocratie culturelle et le déficit de démocratie tout court, qui me semble calqué l’un sur l’autre. Moi, j’essaie de faire en sorte dans mes actions culturelles d’aller vers, et avec des non-publiques culturelles, c’est-à-dire des gens qui ne vont jamais vers les arts majeurs, ou très peu, et des gens pour qui il faut abolir les barrières de la centralité et de la périphérie. Je viens par exemple, à Limoges, de finir toute une semaine culturelle qui s’intitulait “Citoyennes de la diversité, créatrices de beautés” qui s’adressait principalement aux femmes mais pas seulement et qui a permis à des femmes de quartiers populaires de faire un stage de chant lyrique avec une cantatrice mezzo soprano qui est elle-même issue des quartiers, Malika Bellaribi – Le Moal. À la fin de cet apprentissage, elle a donné un récital et ces femmes_là ont chanté à ses côtés, donc pour la première fois de leur vie ce non-public s’approchait de la centralité culturelle. Elles sont venues vers le centre de la ville, vers l’opéra, elles étaient une vingtaine sur scène et pour moi voilà des actions exemplaires pour faire en sorte que des citoyennes et des citoyens qui étaient des non-publics donc deviennent des publics culturels et soient eux-mêmes associés à la création. En découvrant ainsi le plaisir de partager de la culture, ils deviendront sûrement des citoyens plus impliqués, bien plus mis en avant en trouvant une véritable dignité culturelle. Bien souvent, les gens vivant dans les quartiers populaires sont d’origines étrangères, ils sont issus de la migration, et leurs cultures d’origine sont trop méprisées par la population alors même que ces cultures sont très riches, elles peuvent nous régénérer, y compris nous dans le corps social. Tout à l’heure nous avons entendu ici-même comment nous pouvions nous inspirer de principes comoriens pour faire vivre une assemblée démocratique. Et je crois qu’en allant voir les cultures qui sont dans le petit village du monde, on apprendrait beaucoup, et les populations jeunes et moins jeunes qui transmettent ces cultures, pourraient se sentir revalorisées en tant que citoyen actif dans le corps social. Et notamment les jeunes qui y retrouveraient une vraie dignité culturelle et ainsi abandonneraient la violence qui vient de la marginalité dans laquelle ils sont entrées. Voilà, ce que je voulais dire aujourd’hui, il faut se préoccuper, et de manière urgente, de remettre au centre de notre réflexion la démocratie culturelle. En relisant Jeanson et son manifeste de Villeurbanne sur les non-publics et le déficit culturel de la France, et je crois qu’aujourd’hui le problème se pose à nouveau avec des nouveaux non-publics. Et se rapprocher d’eux passera par la clef de la culture. Pour qu’enfin on partage la fraternité, la liberté et l’égalité dans ce pays avec le bonheur d’être ensemble devant la beauté.
Je crois que je vous ai posé deux questions et ensuite j’ai laissé tomber les quatre autres puisque vous aviez tellement à dire, j’aurais été bien mal à l’aise de vous arrêter.
Rire. Oui, j’avais un message à donner, je crois ! Et je retournerai à Limoges le coeur gonflé d’élan après avoir vu une si belle journée permettre à chacune et chacun de s’exprimer.
Laurent
Bonjour, qui êtes-vous ?
Je m’appelle Laurent Granguillaume, député de la Côte d’Or.
Que faites-vous ici ?
Bah écoutez, moi ça fait plusieurs mois déjà que Pouria m’en avait parlé, je trouvais ça intéressant dans le sens où je suivais déjà l’initiative Bleu Blanc Zèbre où j’avais été sollicité par Alexandre Jardin pour par exemple soutenir des micro-entreprises et donc je continue de penser qu’il y a des espaces à créer pour les citoyens qui ont une forme de défiance vis-à-vis de la politique, afin de leur faire rencontrer de nouvelles idées et cela avec les valeurs que nous portons à gauche. Donc je suis venu ici. Et d’un point de vue politique je pense sincèrement que les expériences sociales, économiques et environnementales qui sont vécues et échangées par les citoyens ici peuvent nous permettre de préparer des projets politiques en partant des innovations de chacun. Et cela me fait penser à quelque chose que je porte, notamment avec le soutien de Pouria, sur une expérimentation de lutte contre le chômage de longue durée sur un territoire. Donc je suis aussi venu témoigner moi-même de cela. Ensuite, il faut sortir des oppositions macro-économiques et il faut surtout se préoccuper de l’humain et je pense qu’en partant de l’humain on peut construire des rassemblements nouveaux.
Vous répondez à mes questions habituelles sauf peut être une déjà, que j’ai l’habitude de demander aux politiques s’ils ont des engagements associatifs, intellectuels, culturels et autres. Et vous ?
Je suis de profession conseiller en formation, mais après je suis forcément impliqué dans mon territoire dans le domaine culturel en soutenant et participant à des projets. Mais aussi dans la solidarité internationale en portant un regard sur tout ce qu’il se fait dans les pays émergents. Donc après nos vies d’élus font que ça devient assez large mais il reste l’envie sur la culture, les droits de l’homme et la solidarité internationale en effet. Si je me suis engagé en politique à 18 ans, et notamment à gauche, c’était bien parce que j’étais révolté par les injustices, en ce sens-là je me suis toujours défini comme internationaliste, pour la solidarité. Et à mon sens en ce moment à gauche, on a un peu perdu ça.
Et dernière question, sur le fond, que vouliez-vous entendre à Mouvement Commun et même qu’est-ce que vous aviez peur d’entendre ?
Ce que je voulais entendre c’est effectivement des exemples concrets, des expérimentations, tout simplement la voix de ceux qui agissent comme je peux l’entendre en Bourgogne. Et après ce que j’avais peur d’entendre c’était qu’on puisse rester dans un débat pour ou contre le gouvernement, je pense que le débat doit dépasser ça. Notamment sur le libéralisme, à son fondement la gauche vient aussi du libéralisme, les premières utopies socialistes sont libérales mais il s’agit de le définir avant de s’opposer. Mais bien sûr qu’il y a un clivage avec certains libéraux qui définissent l’individu comme un homo-economicus et non un porteur de solidarité. Mais quand on en est à débattre sur les mots c’est qu’on est sur le bon chemin. Par ailleurs le problème à gauche c’est souvent qu’on ne prend même plus le temps de débattre sur les mots et savoir ce qu’on entend derrière les concepts. Dans ce cadre-là, moi je reste optimiste car je pense aux nouveaux clivages qui vont se poser à nous sur la question des libertés individuelles et qui nous opposent aux nouveaux réactionnaires qui sont seulement dans l’identitaire. Si défendre les libertés individuelles c’est être libéral, et bien je suis effectivement d’une gauche libérale. Après le problème de ne pas arriver à se dire libéral finalement, c’est laisser à d’autres, qui sont des usurpateurs d’identités, le monopole mensonger de la liberté et de la laïcité et vous voyez très bien de qui je parle…
Edwy
Bonjour, qui êtes-vous ?
Edwy Plenel, journaliste.
Que faites vous dans la vie en dehors de votre métier ? Quels sont vos engagements ?
En tant que journaliste, j’ai été syndicaliste mais maintenant que je suis patron de presse je ne peux prétendre jouer sur les deux tableaux, ensuite j’ai toujours vécu mon métier comme un engagement que j’ai traduit par des articles, des livres, ma plume et ma parole.
Pourquoi être ici aujourd’hui ?
Parce que cette initiative rejoint des idées que je défends de mon côté, dans mon livre “Dire non” par exemple ou des conférences sur les causes communes. Je pense que nous sommes dans un moment historique, où nous traversons quelque chose de bien plus important qu’une crise économique ou sociale, mais une crise morale, écologique, politique. Pour tout dire c’est une crise de civilisation et dans ces moments-là, il faut se remettre en cause, faire chemin ensemble avec ce qui nous rassemble face au monstre qui essaye de surgir de cette crise. Ces monstres sont ceux de l’inégalité, de l’autorité et de l’identité, ils voudraient nous mettre en guerre les uns avec les autres au nom de l’origine, de l’apparence, de la religion. Face à cela il faut dresser un mouvement, un imaginaire et un horizon qui permettent de sortir de la peur et de la résignation, en disant “non” pour inventer un “oui”. Et ça, ça veut dire se retrouver sur ce que nous avons en commun, là où nous vivons, là où nous travaillons et faisons chemin ensemble. Les causes communes c’est créer une relation à partir de notre vie concrète en n’attendant ni un leader, ni un programme mais avec l’idée que chaque individu est expert de sa propre vie et qu’il n’y a de salut au fond que dans cette relation dans laquelle le “je” s’épanouit dans le “nous”. Il faut donc bien inventer un “oui” en construisant un “non”.
Et alors, que dire sur la forme de l’évènement d’aujourd’hui ?
Pour ce que j’en ai vu, j’ai assisté aux témoignages montrant une réalité positive. J’ai trouvé formidables toutes ces expériences qui montrent que des réponses existent déjà et qui ne sont actuellement pas dans les grands médias et qu’il faut populariser. Et puis, ce qu’a dit Pouria Amirshahi est cohérent avec la façon dont il a lancé cette initiative, en s’effaçant, en disant qu’elle n’a pas de famille politique propriétaire, ni de frontières partisanes, qu’elle est au fond un carrefour pour essayer de trouver ensemble la force d’un sursaut. Ce qui me plaît dans ce qui a été dit aujourd’hui c’est ce refus de la plainte, de la lamentation, de la victimisation, cette idée qu’il faut laisser ça aux autres, qui eux sont sur le registre de la décadence, du déclin, de la chute, de la plainte permanente, c’est leur affaire. Nous, au contraire, notre optimisme de la volonté face aux périls qui menacent, et qui sont réels, nous sommes du côté de cette force qui au fond est celle de la vie et de cette idée qu’on a qu’une vie et qu’elle nous requiert toujours. Nous sommes responsables de notre liberté, nous ne pouvons pas continuer d’avoir l’air de subir, et ce chemin d’élévation fait avec humour aujourd’hui, j’ai trouvé ça de bonne augure.
Même si vous y avez largement répondu, sur le fond qu’est ce que vous étiez venu entendre ?
Je n’avais aucune attente particulière, je viens avec curiosité découvrir et je suis journaliste et un journaliste il doit être disposé à l’imprévu. Donc ce qui m’intéresse c’est l’imprévu, l’imprévisible, et c’est ce que nous souhaitons tous, sortir d’une histoire écrite par les vainqueurs, ou écrite par ceux qui nous mènent à des catastrophes et au contraire laisser cette histoire ouverte. Faire en sorte par notre façon de faire du lien et avoir des causes communes que des imprévus de bonheur, de bonté et de beauté surgissent et permettent de faire humanité ensemble.
Mathilde
Bonjour, qui êtes-vous ?
Je suis Mathilde Monzieu, ingénieure en agro-développement international.
Que faites vous dans la vie en dehors de votre métier ?
J’ai beaucoup travaillé à l’étranger dans des projets de développement, notamment en Afghanistan, je travaillais deux ans pour une ONG française sur des activités de développement rural auprès des paysans, éleveurs et sur la réhabilitation de canaux d’irrigation pour améliorer l’agriculture. Et par la suite, j’ai continué mon engagement sur un autre territoire, en Guyane, au sein de Maisons Familiales et Rurales, centres issus de l’éducation populaire, et je travaillais à la construction d’une filière agricole et à la valorisation des produits locaux par la transformation.
Pourquoi êtes-vous ici aujourd’hui ?
J’ai décidé de venir ici un peu par hasard, un ami venait ici, j’étais disponible et je me suis dit : ça m’intéresse, pourquoi pas ?
Que pouvez-vous nous dire sur la forme qu’a pris l’évènement aujourd’hui ?
L’évènement est intéressant parce qu’il est ouvert à tous, il incite à ce qu’on s’implique dans la discussion. Les ateliers étaient vraiment ouverts aux échanges, et ont facilité l’émergence d’idées et de propositions pour la construction d’un nouvel espace de démocratie. De manière à ce que les citoyens que nous sommes puissent s’exprimer et participer à l’action politique.
Vous n’avez jamais été encartée ?
Jamais.
Et sur le fond, qu’est ce que vous voulez dire et entendre ?
Alors sur le fond, je ne m’attendais à rien, mais je n’ai pas été déçue, ce qui m’a beaucoup plu c’était de prendre la parole au sein de mon groupe sans avoir à parler devant tout le monde de mon expérience. J’ai pu approfondir certaines choses et voir les gens innover dans leur façon de présenter les idées et de comprendre la mécanique politique.
Cécile
Bonjour, qui êtes-vous ?
Bonjour, je m’appelle Cécile Duflot et je suis députée écologiste de Paris, j’ai quatre enfants et j’ai quarante ans !
Que faites-vous dans la vie en dehors de votre mandat, quels sont vos engagements ?
D’abord j’ai un engagement écologiste qui va avec mon mandat mais qui préexiste, j’ai été élevée dans un milieu écolo, je suis très attentive à la défense de la biodiversité, celle des oiseaux notamment et aujourd’hui je continue de m’engager assez directement dans des actions de solidarité dont je n’ai pas forcément envie de parler étant donné que j’ai un mandat politique, je n’aime pas la mise en scène des engagements privés.
Que faites-vous ici ?
Le mouvement commun a quelque chose d’intelligent et d’intéressant et c’est mettre en débat du politique dans un cadre qui n’est pas celui du politique. C’est à dire : on est ni dans un parti, ni dans une campagne électorale. Il y a ici des gens qui sont sur des listes différentes aux régionales par exemple et qui ne portent pas forcément le même projet mais qui ressentent le besoin dans un moment politique très particulier, où la gauche est assez discréditée et où l’extrême droite progresse, de ne pas renoncer, ne pas baisser les bras.
Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur la forme et la façon d’échanger ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi derrière tout ça quelque chose d’intéressant ?
Alors oui c’est intéressant de pouvoir mélanger la culture et l’engagement, c’est-à- dire de se poser des questions et de recevoir la parole différemment. Je le dis en souriant un peu, parce que pour le coup, chez les écologistes, la parole alternative, le temps limité, où les chefs n’ont pas plus la parole que les autres, ce sont des pratiques que nous avons de longue date donc je suis en pays de connaissance mais c’est agréable.
Ici, ça semble être une plus grande découverte !
(J’ai fait rire Cécile Duflot)
Et enfin sur le fond, peut-être des tabous, une envie d’entendre quelque chose plus qu’une autre ?
Pas de tabous, juste l’envie d’entendre les uns et les autres et surtout l’envie de comprendre comment on peut se projeter dans l’avenir. Car le point commun de tous les militants de gauche, quelque soit leurs engagements, c’est un peu le risque de baisser les bras, c’est ici une antidote à l’idée de baisser les bras et c’est très bien.
Sébastien
Bonjour
Yo
Qui êtes-vous ?
Alors je m’appelle Sébastien Chaillou et je suis président d’une coopérative d’intérêt collectif qui s’appelle Solidarité Étudiante.
Quels sont vos engagements ?
Je suis adhérent dans un parti politique de gauche qui a le malheur d’être au gouvernement en ce moment et à côté de ça je m’investis dans des réseaux autour de la coopération et de l’économie sociale et solidaire qui promeut dans cette forme économique une manière d’être citoyen dans l’entreprise.
Pourquoi être ici aujourd’hui ?
Exactement pour toutes ces raisons là, ce qui me plaît dans les coopératives, à la différence de ce qui se passe dans le monde ou les partis politiques c’est cette capacité de mettre les mains dans le cambouis, d’agir soi-même, de s’auto-organiser et chercher soi-même les conditions de son émancipation. Et je pense que le mouvement commun participe à l’idée d’importer ce mode d’action dans la vie politique.
Qu’est ce que vous voudriez dire sur la forme qu’a pris cette journée ?
Alors c’est une forme que je connais bien parce que quand on est dans le cadre de lancement de collectifs dans le milieu de l’ESS, on prend en général cette forme là avec cette question : se demander pourquoi on est ici ? Qui est-on ? Et que veut-on ? Et ensuite on essaie de trouver des personnes, des situations inspirantes. Donc on est dans des cadres qui ne sont pas faits pour déboussoler, mais bien pour impliquer chacun en fonction de ses expériences. Et enfin voir les capacités d’action dont on veut se doter. Maintenant il faut voir ce que cette pratique en politique va apporter.
Enfin, qu’est-ce que vous étiez venu chercher cet après-midi ?
Alors ce que je suis venu chercher, c’était essentiellement voir après la tribune de Pouria Amirshia sur la gauche vivante qui étaient les gens qui constituaient cette gauche qui “pratique”, dans l’entreprise, dans la culture, les associations et les syndicats, mais qui ne trouve plus de réponse politique à leur gauche concrète. Donc je suis venu voir si mouvement commun constituait par le discours et la forme cette réponse là, et pouvait connecter cette gauche vivante à un mouvement et non un appareil politique.
Il est difficile d’achever une réflexion devant autant de diversité, alors prenez le comme une invitation à penser à ce que la multitude peut apporter au champs politique. Au delà des points de vue de chacun, nécessairement divergents, et de leurs propres mots, on peut retenir qu’apprendre de l’autre pour construire n’est pas une expérience facile même quand on y donne la forme. L’avenir seulement pourra nous dire sur quel projet cette aventure aboutira.
Alors quelles conclusions faire sur Mouvement Commun ? Peut être qu’aucune si ce n’est cette leçon. Et tout ce qu’on doit espérer pour le développement de ce mouvement c’est que son horizon large et que sa non-définition se perpétue tant qu’elle pourra ouvrir le champs des possibles et ne pas déjà devenir un appareil comme un autre. Je resterai curieux, et j’aimerais que ses rendez-vous continuent de rassembler encore plus de différences ; que les dogmes laissent place enfin à l’intelligence collective.
J’aimerais finir sur cette citation de Saint-Exupéry, littérature hautement politique, certainement sous-estimée à ce titre.
“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.”
Accompagné pour la photographie par Timothé Lepage.
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