La scène hip hop à Strasbourg ne cesse d’évoluer depuis les dix dernières années. Bien installée sur ses cinq disciplines, elle est devenue une des scènes urbaines les plus attractives de l’hexagone. Reportage.
Eric (alias Kirikou) danse depuis 2005 et, de son initiation dans les rues de Wittenheim à ses diverses représentations aujourd’hui, le jeune homme de 28 ans n’a pas changé de crew. Ce qu’il trouve beau dans cet art et ce qui en fait sa force, selon lui, c’est justement la diversité des membres, des niveaux et des styles qu’il peut y avoir au sein d’un même crew. Le sien, Toxic Crew – anciennement Ninja Crew – a été fondé en 2007 et regroupe des « bboys » venant de Mulhouse et Strasbourg, « une vraie famille » commente fièrement le danseur.
« Mon plus grand rêve serait d’ouvrir une structure de la culture hip hop à Strasbourg qui réunirait tous les domaines de la culture urbaine dans un même lieu. Je pense sincèrement qu’on a à Strasbourg le potentiel et la force pour construire un tel projet, il manque juste un élément déclencheur. »
Au-delà de la démocratisation, Kirikou affirme que c’est le brassage avec d’autres cultures et son évolution qui fait la richesse du hip-hop. En juin dernier, le danseur a d’ailleurs travaillé avec la compagnie de Babel l’Héritage, une comédie musicale où les artistes et notamment les danseurs avaient tous des styles très différents. Si, pour lui, la démocratisation est une bonne chose, il craint l’institutionnalisation qui va avec car à terme elle pourrait, selon lui, tuer le hip-hop dans son essence.
« L’Etat a pour projet de créer un brevet de danseur hip-hop, un diplôme d’Etat. Ça tuerait notre art, des personnes qui dansent depuis des années avec la seule légitimité de leurs expériences seraient donc moins reconnues que n’importe quelle personne qui aurait passé son diplôme. Encore une fois, on essaye de nous décrédibiliser parce que notre art vient de la rue, que nous n’obéissons à aucune règle, que nous sommes libres. »
Et effectivement, la question d’un diplôme d’Etat en danse hip-hop a été abordée en février 2014 au Sénat par Mme Françoise Cartron, Sénatrice de Gironde – retrouvez l’échange ici .
Cevat, ou plutôt G-Vo, a 24 ans et danse depuis presque la moitié de sa vie, dix ans. Après avoir intégré Illusion Crew en 2007, il a beaucoup évolué mais est toujours resté fidèle à son crew. Il explique d’ailleurs volontiers que face à la logique de « dreamteam » où les meilleurs danseurs se mettent ensemble pour rafler tous les titres, lui préfère rester fidèle à l’esprit de cohésion et de solidarité qui existe au sein d’Illusion Crew.
« Je trouve qu’il y a ici beaucoup de passionnés et c’est grâce à eux que ça marche, qu’on arrive à organiser des événements qui fédèrent beaucoup de monde et qu’on arrive à se faire une place, bien qu’on manque encore beaucoup d’aides de la part de la Mairie ».
Hamsi, animatrice pour enfants la semaine et breakdanseuse le week-end, danse depuis six ans à Wisembourg et à Strasbourg avec le crew Stay’in. Selon elle, ce qui manque le plus, ce ne sont pas forcément les aides financières mais les occasions de se représenter. La promotion des danseurs sur les scènes est pour elle le nerf de la guerre, parce que trouver des lieux où se produire, c’est aussi élargir son public et faire connaître à plus de monde le break. Cet art, en perpétuelle évolution, s’ouvre et séduit d’ailleurs de plus en plus au-delà des cités dans lesquelles certains voudraient le cantonner.
« Il y a aussi une énorme évolution en terme de parité, il y a de plus en plus de filles, on arrive à rattraper les hommes sur presque tout. Finalement il n’y a pas de différence majeure et aujourd’hui les crew sont mixtes, c’est devenu normal. Quelle différence alors entre un breakdanseur et une breakdanseuse ? Et bien tout les différencie, car ce sont tout simplement deux danseurs différents avec des styles différents, rien à voir avec le sexe. »
Dans le salon de Lucas – aka Goomar – quelque part dans un grand appart pas très loin de la cathédrale, Gabriel son colocataire – aka Géabé, un MC strasbourgeois – taffe sur son ordinateur, alors que dans la chambre de Goomar, un autre MC pose quelques mots sur une instru boom-bap. Pendant ce temps, Goomar, Gilles – un DJ strasbourgeois « à l’ancienne » – et Hugo – un des membres de Paris Reality Check expatrié à Strasbourg (collectif prônant la culture urbaine à Paris et ayant financé le vynil de Goomar, The Astral Factor)- discutent dans la cuisine.
Extraits de conversations dans la cuisine entre Lucas et Gilles :
« G: Il y a eu une nouvelle énergie, un élan avec Paye ton 16, les mecs de ma génération se sont réveillés. En plus maintenant à Strasbourg y’a plein de bars où les gens peuvent kiffer du bon son du coup t’es arrivé pile au bon moment !
L: Ouais mais on devrait aller plus loin, là je parle pas de bar mais d’une réelle coopération entre tous, de nouveaux projets… Maintenant, on a la légitimé du nombre pour exiger que de nouveaux lieux et espaces soit dédiés à la culture urbaine.
G: Ça existe déjà un peu mais c’est compliqué …
L: Oui mais le truc c’est qu’on doit pas forcément attendre la mairie pour avancer, c’est pas une bonne chose l’institutionnalisation. Le hip hop appartient au peuple, le lisser c’est le pire truc qui puisse nous arriver !
G: Peut-être, mais on peut aussi profiter de ce fait pour ramener de nouvelles personnes.
L: Le hip hop n’a pas besoin de l’Etat, si on doit exister par les pouvoirs publics on se tuera après s’être barricadé.
G: Non mais on peut à la fois garder l’essence du hip hop et vouloir aussi partager au plus grand nombre notre art… Et juste, pour revenir à ce que je disais sur la scène strasbourgeoise, j’aimerais dire que moi j’ai 40 balais, mais Saligo avec ses 25 ans, toi Goomar, ou encore Hugo vous nous avez vraiment fait du bien, un élan de fraîcheur. C’est quand même dingue qu’aujourd’hui des gars quittent Paris pour Strasbourg parce que ça bouge mieux, c’est juste ouf, toute la sphère hip hop à Stras ou presque s’est déjà posé dans ta chambre *rires* « .
Lucas, Parisien installé dans la capitale alsacienne depuis trois ans, a déjà tant œuvré sur la scène hip hop locale que ses pairs le considèrent comme un beatmaker strasbourgeois à part entière. Et pour cause, il est à l’origine de nombreux projets comme Tour de Manège ou Paye ton 16 et participe souvent à l’organisation de nombreuses soirées hip hop – notamment au Fat Black Pussycat, lieu incontournable de la culture urbaine strasbourgeoise.
« Tour de Manège c’est un crew de beatmakers international lancé avec le montréalais GrandHuit en 2013. C’est trop kiffant de travailler avec des beatmakers de partout, on kiffait écouter des instru ensemble du coup on s’est dit, pourquoi pas monter un crew ? Et aujourd’hui, on est à peu près une vingtaine d’artistes sur ce projet, tous des potes avec qui on a déjà fait plusieurs centaines de productions. Maintenant c’est gros, on fait une soirée tous les deux mois au Mudd et on va bientôt lancer de beaux projets sur BandCamp et malgré tout ça, ça reste gratuit – bon à part si vous voulez utiliser certains de nos morceaux envoyez nous quand même un petit message – *rires*. Le hip hop, c’est avant tout une aventure collective ! »
Tous les albums du collectif sont ici téléchargeables gratuitement
Goomar s’est formé seul : un jour, il a téléchargé Fruity Loops et depuis, il l’utilise toujours. Ce qui lui vaut d’ailleurs quelques moqueries de la part de ses amis beatmakers. Après avoir fait des essais peu pertinents en techno, il s’est lancé dans le hip-hop, « boom-bap » précise-t-il, même s’il lui arrive de faire des sons plus jazzy ou plus trap selon son humeur. Après dix ans d’expérience et après avoir travaillé avec de nombreux grands noms du rap comme Nekfeu, Yoshi, Georgio, Caballero, Rêve Errant ou encore Anton Serra, Lucas sort aujourd’hui son premier vynil, The Astral Factor, déjà entièrement écoulé.
« Le début d’une longue histoire avec le vynil j’espère, celui-ci est plus sombre et le second qui arrive bientôt sera plus jazzy, plus smooth. Je suis tellement content d’avoir eu l’opportunité de faire du vynil, un objet beau et intemporel qui sera toujours là. Et on pourra retrouver mes sons même après la fin des internets, pour toujours. Un long périple vers le futur, comme l’a illustré Jo Ber qui a fait un super taff et avec qui on travaille souvent, notamment pour Tour de Manège. »
Membre de Turntableast, première partie de Nekfeu, Booba, Tyga, 20Syl ou Busta Flex, le jeune DJ a connu de nombreuses scènes et, même s’il habite maintenant depuis 2014 à Paris, il continue à se présenter comme un DJ aux origines strasbourgeoises. C’est dans la capitale alsacienne qu’il s’est construit musicalement depuis 2001. Il y revient d’ailleurs souvent, pour les NL Contest (Festival urbain strasbourgeois regroupant tous les acteurs des 5 disciplines du hip hop ainsi que le skate, roller et le BMX chaque année en mai), pour mixer dans différents lieux strasbourgeois, à la fête de la musique et tous les jours dans les oreilles des alsaciens qui écoutent RBS – Radio Bienvenue Strasbourg – avec la Swalection – contraction de Swa et sélection, pour sa playlist quotidienne.
« Il y a une grosse rigueur à Strasbourg, dans les soirées des années 2000 on venait de Paris pour aller dans nos soirées hip-hop. En Alsace, on avait pas le choix de toujours se surpasser parce qu’on voulait être légitime à la fois auprès du public et à la fois auprès de nos pairs parisiens qui nous regardaient comme des petits provinciaux. Ça, c’était avant mais maintenant avec la jolie éclosion de la scène hip hop à Stras, ce regard est en train de changer. »
Sur la démocratisation de la culture hip hop, Swa a une réponse plutôt nuancée. Certes, c’est ce qui vend le mieux et ça permet d’avoir une visibilité extraordinaire, une crédibilité qui détruit tous les stéréotypes de « Yo Yo Ziva » ; mais en même temps, un certain formatage en découle. Pour le DJ, les rappeurs aux textes vides et aux voix trafiquées, c’est aussi une partie du rap, mais c’est ce qui tue le hip hop dans son essence. Parce que c’est un autre message, une autre philosophie, et que ça n’a plus grand chose à voir avec ce que fut le hip hop à ses débuts, le « constat d’urgence » de NTM.
« Après c’est comme ça, la monde évolue et la musique aussi. Le rap c’était pas mieux avant, c’était différent, aujourd’hui il y a aussi de très belles choses qui se font ».
Pour Swa, on peut à la fois vendre et rester droit dans ses bottes ; amener le public avec des beats entraînants pour des sons formats vers des morceaux plus travaillés pour le reste de l’album. L’exemple qui illustre, selon lui, le mieux cette manière de faire c’est Nekfeu. « Il ne se trahit jamais, continue à écrire de manière très travaillée, comme son dernier album le prouve, tout en s’adaptant sur quelques sons au format que les radios aiment bien. On l’invite sur les plateaux pour parler de On verra bien et il leur fait Nique les clones ou Le mal aimé, ce type c’est un réformiste de l’intérieur, je kiffe *rires*. »
« Je trouve dingue que le grand public en dehors de notre ville ne connaisse que Abd Al Malik alors qu’ici, il y a une profusion incroyable de talents, autant chez les DJ, les beatmakers, les MC, les graffeurs que les danseurs. Juste pour citer quelques MC, ici on a des perles comme MessBass, Kadaz ou Junior qui mériteraient d’être beaucoup plus reconnus… Je suis fier d’être de Strasbourg, toujours admiratif de ce qui s’y fait et on peut toujours tomber sur des bonnes surprises dans cette ville. »
Il y a quelques mois, les Freestyle Mondays ont joyeusement soufflé leur cinquième bougie dans le sous-sol du Mudd, bar de la Place Saint Etienne qui les accueille depuis le tout début. Le concept, hérité des scènes américaines, a été transporté par l’alsaricain Mr E, MC d’Art District, qui y a découvert il y a cinq ans et demi les soirées open-mic. Beaucoup plus emballé par cette philosophie de partage que par les soirées battle, le rappeur, après en avoir parlé aux membres d’Art District, a vite commencé à organiser des soirées qui ont pour ambition de faire du lundi le nouveau vendredi.
Pour faire un joyeux freestyle monday, prendre le lundi le plus déprimant du mois et y ajouter :
– Les supers musiciens jazzy d’Art District
– Un Mr E à l’improvisation facile
– Des MC motivés aux verves efficaces (et un MC trop bourré, aussi)
– Des poètes perdus et finalement biens à leurs places
– Un beau public éclectique
– Et le sous-sol toujours trop chaud du Mudd
« Maintenant, on a des MC réguliers. D’ailleurs, on peut dire que j’ai découvert une grande partie des MC strasbourgeois, alsaciens ou d’ailleurs à ces soirées. Je connais tous les habitués, je les ai vu évoluer, parfois de manière très rapide et ça c’est quand même cool. Ça nous fait plaisir à nous, à eux, au public, c’est que du positif. Et à côté, on a aussi des nouveaux qui arrivent assez souvent, au moins un/e par mois, ça bouge vraiment ! »
MC d’Art District, Freez, Blockstop, Big Nowhere ou encore Caterva : l’amersacien est partout. Son flow new-yorkais ambiance les oreilles strasbourgeoises depuis 2006, soit un an après son arrivée dans la capitale du bretzel. Nous l’avons rencontré, toujours dans la cave du Mudd, pour quelques questions sur le futur du hip hop, très modestement.
« – Depuis quelques temps déjà, il y a une grande démocratisation du rap, qui s’est, de fait, beaucoup transformé et qui s’est développé un peu dans tous les sens. Comment as-tu vécu cette évolution ?
Aujourd’hui, il a du rap featuring du RnB, de la pop ou de l’éléctro, y’a du rap dans des comédies musicales à Brodway, y’a du rap partout. Je ne sais pas si c’est bien ou pas, c’est tout simplement naturel. Hier, on était radical, aujourd’hui (ou demain?) on sera mainstream, tout comme Elvis était radical à son époque et qui est un classique aujourd’hui, c’est comme ça.
– Mais est-ce que finalement la culture hip hop ne se perd pas dans cette profusion de rap partout, brassé à tout, parfois jusqu’à être vidé de tout ?
Peut-être, mais moi je pense que c’est toujours bien que le rap suscite de l’intérêt. Faut juste faire attention à ce qu’on en fait. Si certains en font quelque chose de plus lisse, de plus dilué, dommage. Mais dans un même temps, d’autres continuent de s’en servir pour porter haut un message de rébellion, et ça, c’est tant mieux. Et à côté des choix artistiques, y’a aussi une pression médiatique, du public et des producteurs qui n’est plus la même et qui a un grand impact sur ce qui se produit aujourd’hui. Faut juste savoir trouver du bon là où il y en a et il y en a beaucoup ici. »
Tomii Beatbox a dix-huit ans de vie, dont six à faire du beatbox (et aussi un peu de rap et de danse). Triste et un peu désabusé, il explique que la communauté beatbox s’est complètement éteinte ici et qu’il ne reste que lui, quelques autodidactes qui ne se produisent pas forcément sur des scènes et des anciens qui ont décroché. Tomii fait parti de la Compagnie professionnelle MJD où il fait non seulement du beatbox mais aussi du breakdance. Ce collectif hip hop issu de l’imagination de Majid Yahyaoui est très ouvert sur les autres cultures et travaille notamment avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. A côté de ses quelques représentations et de sa collaboration avec Majid, il travaille avec les élèves des écoles primaires et les collèges du Neuhof, où il enseigne aux enfants les rudiments du beatbox.
« Il y avait une vidéo d’un inconnu qui traînait sur Youtube, où l’on me voyait faire un peu de beatbox dans le tram. Quelques temps après que cette vidéo soit devenue virale à Strasbourg et dans les alentours, je suis allé à un concert à la Laiterie. Le mec sur scène m’a reconnu, m’a demandé de monter, et pour la première fois de ma vie, je suis monté sur une scène. J’ai d’ailleurs eu du mal à la quitter, je me suis senti si bien que j’ai fais une mini-performance de plus de dix minutes. Les gens ont kiffé, c’est surement un de mes plus beaux souvenirs. »
Le rêve ultime du jeune alsacien serait de participer à l’ouverture d’une école de Beatbox en France. Peut être même à Strasbourg. Après tout, si ça marche dans les écoles du Neuhof, pourquoi ne pas généraliser l’initiative ? Sûrement parce que le manque de beatboxeurs en Alsace ne le permettrait pas. Une déliquescence de la communauté beatbox que Tomii a encore du mal à s’expliquer clairement.
« Cependant, j’ai toujours espoir qu’un jour, on reconstruise le beatbox à Strasbourg, notamment en s’associant avec des artistes qui viennent de tous les milieux. Par exemple, moi j’ai déjà travaillé avec un saxophoniste et une autre fois avec une violoniste et c’était juste trop cool. »
Wise graffe depuis 1998, toujours à Strasbourg, et toujours en faisant du writting (écrire son « blaze » dans la rue). Et ça, Wise y tient beaucoup.
« Le 5ème pilier du hip hop c’est pas le street art, c’est le graff et par graff, j’entends le writting uniquement. Les vrais puristes rajouteraient même que bien qu’aujourd’hui le graff fasse de la culture hip hop, il l’a précédé. Le writting existait avant le hip hop, on écrivait nos blazes sur les murs avant l’apparition du rap. C’est juste que ce sont deux pratiques artistiques qui se sont associées parce qu’elles venaient de la rue et surtout parce qu’elles ont éclos en même temps, un peu comme le punk et le skate. Certains vieux de la vieille disent même que c’est grâce aux writters que le rap n’est pas mort en France aux débuts ».
Le membre de Downtown NYBR (comme New York Bas Rhin) ne se définit pourtant pas comme old-school mais plutôt comme middle-school, à mi-chemin entre le respect des principes de base et l’inspiration qu’il trouve chez les jeunes graffeurs.
Le sulfureux Idfix est, selon lui, l’âme même de la discipline. Ecrire son nom, dans la rue, partout et peu importe le degré de recherche artistique : tous ceux qui graffent apportent quelque chose au mouvement.
Wise tient à rappeler que le graff reste du vandalisme : le lisser ou le « galleriser » serait un contre-sens.
Dan, 45 ans, nous accueille dans son atelier à Grand Rue. Il explique lui-même que sa galerie est toujours fermée parce que le street art n’appartient qu’à la rue et qu’il ne se sert de ce lieu que comme d’un atelier et d’un endroit où il peut, de manière exceptionnelle, accueillir quelques curieux.
« Faire de l’art dans la rue ou dans des espaces publics, c’est la seule chose qui me plait. L’art, ça doit être partagé au plus grand nombre. »
Après s’être auto-formé pendant une dizaine d’années, avoir fait de nombreux live painting pour divers artistes, Dan s’est tourné vers la peinture de rue. La peinture, le graff, le collage, le pochoir… l’artiste mêle plusieurs techniques pour réaliser ces portraits réalistes et très inspirés dans la composition de la culture urbaine.
Même si lui n’est pas un writter à proprement parler, sa culture, ses inspirations, ses références et sa manière de travailler font de lui un membre à part entière de la culture hip hop strasbourgeoise.
« Depuis deux ans, ça évolue beaucoup à Strasbourg en termes de graffiti. On va dire que la Mairie commence un peu à s’assouplir même si ce que l’on fait reste du vandalisme. Le fait que j’ai maintenant une certaine notoriété dans la ville ne change rien au fait que faire du street art sans autorisation reste illégal. »
En ce moment, l’artiste est sur un projet éducatif autour du street art ; il se rend dans des écoles primaires où il fait des fresques, puis il intervient dans les classes pour expliquer son oeuvre. Les portraits qu’il fait représentent toujours des personnages importants qui ont eu un impact sur le monde, des humanistes, des artistes, des râleurs qui ont – dans un sens ou dans un autre – marqué l’histoire.
« Je file aux gamins des petites fiches pour qu’ils comprennent réellement qui est le bonhomme que j’ai posé sur leurs murs, puis ils étudient son histoire avec leurs professeurs, c’est une démarche pédagogique complète. Quand j’interviens dans les classes, j’essaye aussi de les sensibiliser à l’art urbain et de leur faire voir le hip hop au-delà des préjugés qu’ils peuvent en avoir. »
La culture hip hop à Strasbourg est riche, en perpétuelle évolution et en passe de titiller Paris. Elle est l’un des atouts majeurs de l’Alsace au niveau artistique, même si elle peine encore à se faire une place dans le milieu culturel. Le phénomène d’expansion n’est pas prêt de s’arrêter, tant tous ceux qui font la culture urbaine dans la capitale alsacienne ont à cœur de transmettre cette passion aux générations futures. Des battles de très jeunes breakdanseurs à la Robertseau connexion jusqu’aux cours de beatbox donnés dans les écoles du Neuhof, la transmission de cet héritage urbain est sûrement l’une des forces majeurs de la scène hip hop à Strasbourg.
Très bel article !