Depuis juin dernier, à Rennes, dans le quartier de La Poterie, plus de 160 sans-papiers dont 70 enfants occupent un bâtiment vacant avec le soutien de l’association « Un toit c’est un droit ». En tout, des familles originaire de plus de 20 pays y ont trouvé refuge. Dans cette tour de Babel, les cours de français abondent. Les migrants mongols font partie de ceux qui en ont le plus besoin. Déterminés, malgré leur condition de vie et avec l’aide précieuse des bénévoles, ils poursuivent sans relâche leur apprentissage.
« Les cours de français, c’est ce qui me fait me lever tous les matins », confie Armelle. Institutrice à la retraite et militante au sein de l’association « Un toit c’est un droit« , elle enseigne le français aux étrangers depuis quinze ans. Depuis juin dernier, elle consacre six heures par semaine aux cours de français pour les mongols au Squat de La Poterie.
Ici, les leçons se font dans un couloir, au cœur de la maison de retraite désaffectée.La classe se résume à une grande table servant de bureau commun et à un tableau blanc scotché au mur. Décor sommaire qui n’entame en rien la motivation des élèves, ces cours sont bien trop importants pour se laisser distraire. Armelle le comprend:
« Ils savent que la régularisation, ça passera par l’intégration et pour s’intégrer, il faut parler français. Il n’y a pas le choix »
Dès le début de la séance, il est clair qu’Armelle est dans son élément : elle mime, fait de grands gestes lorsque le français ne suffit pas, gronde ses élèves qui font parfois exprès de faire des fautes pour voir, les yeux riant, leur professeure faire la grimace. Ils l’appellent « Emee », « grand-mère » en mongol. Une grande complicité qu’Armelle reconnaît volontiers :
« La rencontre avec les mongols, ça a été la grande histoire de ma vie. Je serais incapable d’expliquer comment mais petit à petit j’ai été accueillie chez eux et on a créé des liens vraiment très forts »
Pour la deuxième heure, l’ancienne institutrice a prévu une leçon sur la météo. Sujet bien anodin à première vue. Pourtant l’évocation de la neige assombri le visage d’Irelma, 43 ans. Elle se souvient de son premier hiver en France. C’était à Rennes, en 2010, dans un autre squat. Plus de 80 sans-papiers avaient trouvé refuge dans un funérarium désaffecté. Irelma vivait sous les combles avec sa fille de un an, toutes deux à peine abritées de la neige par une toiture trouée. A l’époque, la situation de ces familles, logeant dans ce lieu pour le moins sinistre, avait choqué l’opinion publique. Au final, les interrogations insistantes de la presse et un rapport de la Direction de la santé publique de Rennes déplorant les conditions de vie à l’intérieur du squat avaient fini par pousser la préfecture et la mairie à loger les familles.
Armelle n’était pas surprise de retrouver Irélma au squat de la Poterie sept ans plus tard.
« Comme ils n’ont pas papiers, la préfecture ne leur propose que des solutions temporaires. Après, ça, c’est de retour à la rue »
Ces logements temporaires ont pour but de donner le temps aux migrants de faire leurs demande de papiers. Mais la réalité n’est pas aussi simple. Bien souvent, les bénévoles constatent que la peur de l’expulsion les dissuadent de faire leurs démarche :
« Ne pas faire de demande, c’est rester dans l’anonymat. Quand ils vont à la préfecture ils prennent un risque, au moins là ils sont dans la survie. Au lieu de déraciner les enfants, de recommencer à zéro dans un autre pays, de réapprendre une nouvelle langue, ils veulent s’accrocher à la France mais entre temps, dans combien de squat ils ont vécu? »
Le futur est incertain. Le séjour au squat de La Poterie ne durera pas. La date de l’évacuation, début juillet, suscite beaucoup d’anxiété : Irelma l’a baptisé « Juillet noir ». « Après, on est à la rue » dit-elle à Armelle. La professeure est résignée : « J’espère pas, on va tout faire pour que ça n’arrive pas ». Une chose est certaine pour les mongols, si l’avenir les poussent vers un autre squat, ils savent qu’ils y retrouveront Emee Armelle et ses cours de français.
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