Des « teen movies » américains aux groupes incontournables qui ont fait sa légende, le pop-punk a bercé l’adolescence de millions de mélomanes un peu partout dans le monde. Radio Londres remonte le temps pour vous conter l’histoire de ce genre singulier : son émergence, son apogée, son déclin et ses décombres.
Le pop-punk naît au milieu des années 1970 et se pose immédiatement en sous-genre du rock, mêlant des éléments punk-rock à une musique pop. Il se distingue notamment par un tempo rapide et des guitares saturées (la « disto », pour les intimes) typiques de la scène américaine de l’époque. Mais si le pop-punk se veut dès sa genèse une passerelle entre les genres, il peine à séduire au-delà des aficionados et mettra environ une vingtaine d’années pour commencer à s’exporter hors de la communauté, à travers des festivals comme le Warped Tour, célèbre outre-Atlantique.
Car c’est bien là que le style va faire ses premières gammes, aux USA principalement ainsi qu’au Canada, où il devient rapidement l’un des courants importants du punk. Le pop-punk parle aux jeunes et aux ados en abordant la vie quotidienne avec des thèmes simples, des relations amoureuses à l’adolescence en passant par les problèmes personnels. Et s’il est majoritairement incarné par des groupes, il a aussi été promu dans les années 2000 par des chanteuses solo comme Avril Lavigne, indéniablement influencée par cette notoriété soudaine et grandissante.
La scène connaît son pic de popularité à la fin des années 1990 et au début des années 2000, au moment où se croisent des groupes punk-rock (Green Day, The Offspring…) et des groupes pop-punk (blink-182, Sum 41…). Cet entremêlement des genres n’a rien d’anodin puisqu’il marque à la fois la déchéance du punk garage et l’avènement du pop-punk. S’il y avait un album pour statuer ce succès, ce serait certainement « Enema Of The State » de blink-182, sorti en 1999 et célèbre pour sa pochette — une actrice de films pornographiques déguisée en infirmière qu’on retrouve également dans le clip de What’s My Age Again?. What’s My Age Again? en est justement un des singles les plus redoutables — et sans doute la chanson la plus connue du groupe — avec des morceaux comme Adam’s Song ou All The Small Things.
blink-182 s’insère irrémédiablement dans cette période prospère pour le pop-punk, en témoigne aussi leur quatrième opus, « Take Off Your Pants and Jacket » (le deuxième plus vendu du groupe après « Enema Of The State »), porté par le single First Date.
La pochette de « Take Off Your Pants and Jacket » (2001)
Parmi ces groupes à la renommée internationale, on trouve également Sum 41, The Offspring, Simple Plan, Good Charlotte, Yellowcard, Fall Out Boy ou encore Jimmy Eat World. Des groupes de la génération dorée donc (qui ont connu leurs heures de gloire aux alentours de l’année 2000), et d’autres qui ont surfé sur la vague du succès.
Mais si la pérennité du pop-punk se matérialise essentiellement à travers ces groupes issus d’un pop-punk « classique », d’autres précurseurs ont su marquer la musique de leur empreinte singulière. C’est le cas des All-American Rejects, qui, dans un registre plus powerpop, ont insufflé un vent nouveau (The Wind Blows) au genre, à travers deux disques impérissables que sont « Move Along » (2005) et « When The World Comes Down » (2008). La chanson Gives You Hell, sortie en France en 2009, assouvit les désirs internationaux du groupe qui gagne en popularité dans le monde. C’est ce style remarquable dérivé du pop-punk qui va permettre au genre de trouver un nouveau public, peut-être moins rock à la base.
La trilogie cinématographique sortie entre 1999 et 2003 a elle aussi sensiblement contribué à l’expansion du genre : le premier American Pie qui en porte sobrement le nom — et qui fera un carton planétaire — débarque dans une période faste pour le punk-rock, mis en exergue par des albums à la stature internationale comme « Americana » des Offspring (novembre 1998) ou « Warning » de Green Day (octobre 2000).
Si la bande originale de ce premier film fait office d’amuse-bouche avec des sonorités résolument pop-punk (mais sans véritable chanson phare), c’est véritablement les deux suivants en 2001 et 2003 qui vont propulser le genre, avec deux BO savoureuses portées par les « bands » les plus célèbres de l’époque. American Pie 2 inclue des morceaux de blink-182, Green Day et Sum 41 (Fat Lip) notamment, tandis que le troisième du nom, American Pie : Marions-les ! parachève la série avec pléthore de tubes, comme Swing Swing des All-American Rejects, The Hell Song de Sum 41 ou encore l’irrésistible The Anthem de Good Charlotte.
American Pie 4, quatrième long-métrage de la série, sorti en 2012
Bastien a été plongé assez tôt dans l’univers du rock, du punk et du pop-punk, un style qu’il a découvert en autodidacte et qui a une place particulière dans son cœur. Il a répondu à nos questions sur l’évolution du genre, de ses prémices à aujourd’hui.
Si je te dis « pop-punk », tu penses à quoi ?
Pour la plupart des gens, le pop-punk est lié au skate, aux skateparks dans les années 2000. Moi, je n’en ai jamais fait ! Je dirais que le pop-punk c’est une musique simple, rock, garage, populaire à la fin des années 1990 et dans les années 2000.
Quand et comment est-ce que tu as commencé à en écouter ?
Ça date du collège. Mes parents écoutaient pas mal de rock des années 1970 et 1980 : Dire Straits, U2, Police ou les Beatles. Je suis tombé dans le pop-punk avec la radio (Europe 2) ; et puis c’était l’époque des MP3 aussi, ça m’a permis de télécharger et d’écouter pas mal de musique, de découvrir de nouveaux artistes. J’ai loué quelques CD à la médiathèque aussi, à l’époque. Pour moi, le pop-punk découle du punk, il y est lié.
Tu parles d’artistes. Quels sont ceux qui t’ont marqué ?
Sum 41. « Chuck » est le premier album que j’ai acheté, en 5e. Sinon, blink-182, Green Day, The Offspring… Dans un registre plus punk et plus politique, j’ai beaucoup écouté NOFX aussi. Dans le pop-punk, c’est le trio guitare-basse-batterie qui prime !
Et des albums en particulier ?
Il y en a beaucoup ! « All Killer No Filler » de Sum 41, « Enema Of The State » de blink-182, « American Idiot » de Green Day, « Ocean Avenue » de Yellowcard, « When The World Comes Down » des All-American Rejects… Simple Plan, Good Charlotte et My Chemical Romance ont fait de très bons opus eux aussi.
Et aujourd’hui, tu en écoutes encore ?
Oui. Les meilleures chansons surtout, mais aussi celles que je n’avais jamais écoutées. Par exemple, j’ai véritablement découvert My Chemical Romance il y a deux ans à peine (le groupe a disparu en 2013, NDLR). J’écoute aussi des groupes nés au milieu des années 2000, qui ont évolué avec le genre : All Time Low et Paramore par exemple, ou We Are The In Crowd. En France, j’aime beaucoup Chunk! No, Captain Chunk qui mélange le style pop-punk avec du hardcore. Sinon, dans cette idée « d’évolution », j’apprécie des groupes qui ont intégré des claviers à leur musique : Motion City Soundtrack notamment, ou encore PVRIS, plus récemment.
Justement, quel regard tu portes sur l’évolution du genre ?
Il y a de moins en moins de rock sur la scène musicale. Si l’ère du punk me semble réellement révolue, je crois que le pop-punk subsiste toujours, même s’il a beaucoup changé ces dernières années. Il faut aujourd’hui plus que le trio de base (guitare-basse-batterie) pour promouvoir le style. Des groupes comme Pink Floyd ou Alan Parsons Project avaient déjà commencé à révolutionner la musique dans les années 70 et 80. Aujourd’hui, un groupe comme PVRIS incarne la suite logique du genre.
5 chansons pour faire découvrir le pop-punk à un néophyte ?
NOFX – Franco un-American
Green Day – Jesus Of Suburbia
blink-182 – What’s My Age Again?
Man Overboard – World Favorite
Paramore – crushcrushcrush
En 2017, le pop-punk résiste à sa façon. Il y a d’abord les papys du genre, inébranlables, à l’image de Green Day qui suscite toujours le même engouement chez le public. Il y a ceux qui reviennent, aussi, après un voire plusieurs hiatus : Good Charlotte, blink-182, Sum 41… ceux-là dépassent les frontières du pop-punk et il y a fort à parier que le genre plongera encore davantage quand ils seront partis. Et puis il y a les nouveaux, dans le sillon de leurs prédécesseurs : As It Is par exemple, fer de lance de la scène britannique, ou Waterparks, plus récemment encore.
Mais la véritable influence du pop-punk dans la musique contemporaine est plus subtile, plus imperceptible encore. La majorité des groupes qui émergent aujourd’hui dans des styles similaires (powerpop, rock alternatif, punk, emo-pop…) ont grandi avec le genre pop-punk. Le style a accompagné nombre de groupes actuels dans leur émancipation musicale, et ça se ressent sur la scène récente. PVRIS par exemple, cité plus haut, ou encore Panic! At The Disco, au carrefour du pop-punk et de la powerpop. Parmi les plus fidèles successeurs de la génération dorée, on peut aussi mentionner des groupes comme All Time Low ou Paramore, formés dans les années 2000. Ceux-là — comme d’autres — incarnent peut-être le pop-punk moderne, plus accessible et moins « punk », et désormais teinté de claviers…
Le pop-punk a dit adieu depuis bien des années à son ère la plus glorieuse : celle des opus légendaires et des groupes intergénérationnels, celle de la ferveur populaire et des romances lycéennes. Pourtant, si cette époque est révolue, elle fait partie intégrante des millions d’ados qui l’ont ingérée, consciemment ou non. De ses cendres incandescentes subsistent alors des mélodies entêtantes, impérissables, empreintes d’une nostalgie jusqu’alors inconnue. Et il faudrait l’enterrer ? Ce serait une erreur. Car le pop-punk n’est pas mort, il est partout. Il ne tient qu’à nous de le réveiller, d’en attiser les braises pour rallumer la flamme. Comme une réminiscence.
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