Ils se sont toutes et tous déplacés dimanche dernier, pour voter au premier tour de l’élection présidentielle. Déçus, optimistes, résignés… Nous avons rencontré les électeurs aux quatre coins de la France. Portraits.
Mourtaza (Saint-Denis) : « Il faut qu’il y ait un changement au niveau des commandes »
Mourtaza Goulamhoussen est un ancien professeur de mathématiques et de physique, originaire de La Réunion. Ayant enseigné à Madagascar, à Canberra et même à Jakarta pendant plusieurs années, il se dit « à la recherche de l’humain ». Militant en politique depuis près de 40 ans, riche de son expérience, il prône plus de solidarité et d’échanges culturels avec les pays environnants.
Voilà ce qui préoccupe finalement Mourtaza en cette journée électorale. « Je suis contre le gaspillage, dans tous les domaines. Le gaspillage d’argent oui, mais aussi de médicaments par exemple ». Puis il hésite, dit rêver peut-être un peu, mais souhaite également « que le racisme, et la radicalisation prennent fin. C’est ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui. »
Il prend également exemple sur les cultures qu’il a côtoyées : « En Australie, tous les domaines sont tournés vers l’écologie. Le dialogue entre jeunes et enseignants est aussi beaucoup plus poussé, ici, ceux qui souffrent par exemple de problème de drogue sont mis à l ‘écart. Il y a pas de véritable prise en charge. » Il faudrait donc pour lui réformer le système français, « malade ».
Pour Mourtaza, le vote est primordial. « Il faut le rendre obligatoire, comme en Australie, pour sensibiliser les gens. Il faut que les jeunes s’impliquent. » Choisir un candidat ou un autre, par calcul, par hasard, ce n’est pas une solution à ses yeux. « Il y a des valeurs en France, que nous avons, et que l’on ne doit pas sacrifier par sanction. Les candidats sont différents. » Il reste en effet fier de la France, en particulier pour « les droits de l’Homme, la sécurité sociale, l’éducation gratuite. Ailleurs on n’y a pas accès sans argent. » Pour lui, c’est cette fierté qu’il faut perpétrer.
C’est ainsi que l’ancien professeur décrit les Réunionnais face à la politique. « On est pas déconnectés, grâce aux médias, aux réseaux, mais on reste tributaires de l’éloignement » affirme-t-il. Près de 10 000 kms les séparent de Paris, et pour lui « trop peu de moyens sont délégués au coopératives régionales, c’est encore souvent centralisé. » Il est vrai que malgré les affiches disséminées sur les panneaux de St-Denis, peu de candidats ont organisé des meetings à La Réunion , DOM-TOM au relativement faible taux d’abstention. Et pourtant, au vu des sondages très serré, aucun électorat n’est négligeable.
Jérémy (Rixheim) : « J’aurais voté blanc, mais ça n’a pas de poids »
Jérémy est un jeune père de famille. Il se reconnaît d’emblée comme « particulièrement déçu par cette élection, déçu de toutes les affaires de corruption ». En guise de boycott il déclare ne pas du tout avoir suivi la campagne, « avoir tout mis de côté ». D’après lui, dans le traitement médiatique « à chaque fois on nous dit, lui il est corrompu, lui il a fait ça, on nous parle pas en bien de ces gens-là [des hommes politiques ndlr] ». Ainsi, il avoue avoir seulement « regardé hier soir les propositions de chacun ». Malgré tout, il est au courant des principaux points des différents programmes, à l’instar de la proposition de Benoît Hamon de soumettre à référendum la reconnaissance du vote blanc, une mesure qu’il juge « intéressante ». Cependant, aucun candidat n’est parvenu à le convaincre, désillusionné, il confie : « Aujourd’hui, je n’ai pas voté pour un candidat qui me plaisait ». Malgré cette défiance muée en dépit, il ne souhaitait pas s’abstenir, avec la conviction que « c’est un devoir ». Le vote blanc aurait alors pu être une possibilité : « J’aurais voté blanc, mais ça n’a pas de poids » explique-t-il. « On vote toujours pour le moins pire, pas pour le meilleur » regrette Jérémy, mais c’est pour lui l’unique moyen de « limiter la casse », comme il le répète par deux fois.
Léane (Bordeaux) : « C’est un vote difficile parce que j’ai voté à contrecœur »
Léane Delanchy a 18 ans, est étudiante à Bordeaux et participe à sa première élection. « Je voulais voter Hamon » nous confie-t-elle. « A cause des sondages » elle a préféré voter pour Jean-Luc Mélenchon même si elle ne se retrouve pas dans toutes ses idées notamment sur la politique étrangère : « C’est un vote difficile parce que j’ai voté à contrecœur ». Elle a « misé sur Mélenchon » dans l’optique de se retrouver avec quelqu’un de plus proche de ses idées au second tour et car « c’est celui qui propose le plus en matière de droit pour les femmes ».
Malgré ce constat, elle juge cette campagne et ces élections « assez basses », « moyennes » notamment « à cause des affaires ». L’élection présidentielle demeure pour elle une élection essentielle dans la vie politique française. Cependant, « il ne faut pas compter sur une seule personne pour tout changer ! ». Elle a particulièrement apprécié certaines idées mises en lumière ces derniers mois : « Le revenu universel, je pense que tôt ou tard, de droite ou de gauche, on sera obligé d’y venir ». A noter aussi, « la transition écologique de Mélenchon car je crois que c’est vraiment important ».
Le constat sur l’état de la politique dans notre pays est assez désabusé. Elle n’arrive pas à comprendre le maintien de certains candidats malgré des soupçons, surtout comparé à d’autre pays, notamment au nord de l’Europe. Léane nous confie qu’elle considère que le débat est trop sur la forme, très « marketing ». « Quand on voit que la présidentielle se joue même sur Snapchat, je trouve que quand même on touche le fond ! ». Cependant, elle se décrit comme « vachement intéressée par la politique ! » et se considère comme engagée politiquement même si non militante : « Il n’y a personne qui me tienne vraiment à cœur… ».
Transition écologique, lutte contre la fraude fiscale, meilleure répartition des richesses « pour offrir à tous un meilleur pouvoir d’achat et relancer l’économie », sont des points que Léane espère voir occuper le devant de la scène dans le futur et qui permettrait peut-être d’améliorer les choses. « Il faudrait aussi interdire les sondages en période électorale ». Effectivement peut-être que, comme elle, ils ont été nombreux dimanche à leur accorder une grande importance. Au point de changer l’issue du scrutin ?
Jean-Louis (Saint-Junien) : « Il n’y a que Mélenchon qui peut vraiment changer les choses »
Jean-Louis est retraité de l’éducation nationale, il retrouve le gymnase du lycée où il a enseigné pour aller voter. « J’ai voté Mélenchon ! » répond-il avec enthousiasme à une question à peine posée. Sa femme gère le groupe de soutien local du candidat et le couple a milité pour le candidat de la France insoumise. Ce qu’il apprécie particulièrement chez Jean-Luc Mélenchon, c’est le projet d’Assemblée constituante. Il en est convaincu : la Vème République est désuète et il faut changer de Constitution. « Le tirage au sort c’est une idée formidable » avance-t-il à propos de la Constituante. « Il faut replacer les citoyens et le peuple au cœur des décisions et de la vie politique » propose-t-il pour revenir à une démocratie plus participative. Mais la fin de la Vème République est aussi évoquée par le candidat socialiste Benoît Hamon, avec qui il aurait fallu s’entendre selon l’ancien professeur de mathématiques. « Hamon cristallise des voix qui feront défaut à Mélenchon » affirme-t-il. Hamon aurait dû se retirer, d’autant plus que l’entente était possible : « Sur les institutions, sur l’économie, et surtout sur l’écologie, il faut reconnaître que leurs programmes n’étaient pas très éloignés ».
Avec Hamon, la victoire était assurée d’après Jean-Louis. Il pense que Mélenchon est le seul capable de battre Macron au second tour. « Macron, c’est le candidat de l’oligarchie financière et des médias ! » résume-t-il après une série de critiques et de bons mots sur le candidat d’En Marche !, qui apparaît comme la cible principale des « insoumis ». « Macron anti-système ? C’est au contraire le candidat du système ! ». Mais sur ce point, il précise tout de même que l’usage du terme « système » tout au long de la campagne s’est révélé un peu fatigant… Tout le monde est anti-système à sa manière, dans la mesure où chaque candidat veut changer les choses, ou du moins le fait croire. Sur la campagne en général justement, Jean-Louis trouve injustes les propos de nombreux éditorialistes qui trouvent cette campagne mauvaise, de bas niveau. Il considère que, malgré les affaires Fillon qui ont occulté un instant les questions de fond, le débat a existé et s’est même parfois montré intéressant. Sur la question européenne notamment, « il y a eu un vrai débat de fond avec toutes les sensibilités européennes présentent ». Ce sujet est d’ailleurs l’occasion pour lui de rappeler à ceux qui considèrent qu’il ne faut pas faire de référendum, que le débat en 2005 avait été étonnamment riche et sérieux, preuve que la vie politique et démocratique peut être animée et tirée vers le haut. Pour conclure, il regrette aussi les affirmations des journalistes qui considèrent que les citoyens ne s’intéressent plus à la politique, au contraire : « Ils en ont marre certes, ils veulent que ça change, mais je crois qu’ils sont toujours autant intéressés par le débat ».
Hervé (Rochefort) : « Une campagne sans sondage »
Hervé Blanchet, maire Les Républicains de Rochefort (25 000 habitants) et conseiller régional d’Aquitaine, s’engage en politique en 2001 à l’échelle locale. Lucide, il dresse un constat pessimiste quant à la condition futur des collectivités locales: « La taxe d’habitation est une ressource très importante pour ma ville, et même si Emmanuel Macron promet d’apporter une compensation à cette perte de recette, on sait par expérience que souvent, ce type de promesse n’est pas tenue », et poursuit : « nous avons conscience que quelque soit le candidat qui gagnerait l’élection, il risque d’y avoir une continuité dans la politique de baisse de la DGF (dotation globale de fonctionnement) issu de l’état, déjà réduite de manière importante depuis 2014 ». Une perte d’environ 4,5 millions d’euros pour la ville de Rochefort depuis 2014, pour un budget de 60 millions d’euros par an.
Interrogé à propos du rôle des médias et des sondages dans l’élection présidentielle, Hervé Blanchet répond sans hésiter : « Moi je rêve d’une campagne sans sondage ». En effet selon lui, « les sondages sont inexacts et influencent le vote de certains électeurs ». Sur les journalistes en particulier, M. Blanchet raisonne lucidement : « Des journaux sont très ciblés, et ont leur dominance politique : Le Figaro, L’Humanité, Le Monde. On sait à quoi s’attendre lorsque l’on lit les articles de ces journaux ». Il poursuit au niveau local: « Au niveau local, parfois, il y’a des articles très réussis et neutres, et d’autres qui ne le sont pas forcément… Chaque journaliste a sa déontologie, certains se comportant toujours très bien et d’autres de manière border line ».
Maire Républicain, Hervé Blanchet votera François Fillon, conformément à son parrainage et à sa famille politique. Cependant, il se dit « désarçonné » par le Penelope Gate, et n’a « pas apprécié les propos de M.Fillon par rapport à sa mise en examen. Cela a fait beaucoup de mal à la parole politique ». Il témoigne s’être « beaucoup moins impliqué que les autres élections », et s’être « bien gardé d’allé distribuer des tracts sur le marché ». Cependant, Hervé Blanchet réitère son soutien à François Fillon : « Moi je vote François Fillon. Je fais passer le programme avant l’homme. Je l’avais rencontré avant les élections, bien avant les primaires. J’étais pour Alain Juppé, mais lorsque la primaire a donné comme vainqueur François Fillon, j’ai été le premier à dire tous derrière François Fillon ». Il défend ainsi le programme du candidat de la droite et du centre : « Je pense que son programme est le plus adapté pour notre pays. De toute façon le président ne gouverne pas seul, il a un gouvernement, une majorité », mais malgré tout : « Je suis avocat, donc je respecte la présomption d’innocence, en revanche dire au 20 heure que si il est mis en examen il arrêtera mais que finalement il n’arrête pas, ça je n’ai pas apprécié ».
Sur son rapport au citoyen, Hervé Blanchet déplore « un amalgame entre les politiques locaux et les politiques d’envergure national ». A propos des affaires et autre frasque politicienne, le maire déclare : « Cela nous fait mal, mais je pense que les gens se rendent compte de l’action des élus locaux. Les gens aiment leur maire, savent qui il est. C’est très important pour moi d’avoir une emprise très locale ». Il met également en évidence le rôle complexe des maires : « Les gens ont tendance à oublier leur devoir et pensent n’avoir que des droits. On ne peut pas dire oui à tout, certaine choses peuvent se faire, d’autre non. Nous, on doit raisonner avec l’intérêt général, alors que beaucoup voient leur intérêt privé plutôt que général. C’est parfois difficile à faire admettre ».
Edwina (Goussainville) : « Il faut davantage favoriser le mérite et le travail »
Edwina Manika, 28 ans, est ingénieure biomédical dans un laboratoire spécialisé en cardiologie le jour, responsable des jeunes LR du Val d’Oise, la nuit. Cette sarkozyste convaincue est conseillère municipale dans l’opposition au sein de la commune de Goussainville (95).
Malgré le tumulte de la campagne, elle tient à respecter la discipline de parti d’unité des Républicains : « Nous avons chacun notre écurie, mais nous sommes une équipe. Je me suis dit qu’on se devait d’aller dans chaque meeting en région parisienne, pour soutenir le gagnant de la primaire. Nous sommes une armée, une force de guerre. »
Car oui, l’élection présidentielle ressemblait davantage à une campagne militaire pour certains candidats. Englué dans une affaire de détournement de fonds public, le candidat LR François Fillon a donné du fil à retordre aux élues de terrain comme Edwina : « Entre janvier et février, on n’était pas bien accueilli sur les marchés. J’ai ressenti de la déception et comme tout le monde, j’ai douté. C’était une période trouble. Les soutiens s’en allaient un par un. Les militants de ma commune n’avaient plus envie. Je trouvais que les médias s’acharnaient sur François Fillon. Un plan B ? Cela aurait été un manque de respect envers les citoyens, qui avaient déjà payé pour cette primaire. J’ai tenu bon. C’est dans ces moments qu’il faut être courageuse.»
Si les affaires ont déstabilisé le camp LR, le programme de l’ancien Premier ministre reste un socle indéfectible auquel s’accroche l’élue : « Pour moi le travail c’est la base de tout ! Je suis favorable à la suppression des 35h comme le propose François Fillon, cela créera de la compétitivité. Je suis pour une immigration contrôlée. Moi qui suis d’origine indienne, je n’ai pas de gêne à le dire. Beaucoup viennent en France pour le système généreux proposé chez nous. Il faut davantage favoriser le mérite et le travail. »
« Travailler plus pour gagner plus » a longtemps été le credo d’Edwina. Elle est séduite à 15 ans par les propos tranchants de l’ambitieux ministre de l’Intérieur de l’époque : Nicolas Sarkozy : « Je vivais près des cités en Seine St Denis à Épinay-sur-Seine. Pourtant, je ne me suis jamais senti visée quand Nicolas Sarkozy a voulu passer les banlieues au kärcher. Ce n’est pas le quartier qui définit ton parcours. Les jeunes de quartiers se mettent eux-même des barrières. Quand on veut, on a toujours les moyens de s’en sortir.»
Edwina ne croit plus aux sondages. 2016 l’a convaincu de continuer à y croire, quitte à être à contre-courant. Elle se dit toutefois lucide sur l’enjeu des évènements : « Je suis prête à appeler à voter contre le FN. On ne va pas jouer le ni-ni pour le coup. Ce n’est pas une élection cantonale ». Car si la conseillère municipale soutien son champion, elle garde à l’esprit l’élection législative prévue en juin prochain. Scrutin primordial qui donnera ou retirera une majorité parlementaire, nécessaire pour gouverner au futur chef de l’État : « Nous prévoyons cinq semaines de campagne intensives avec des opérations coups de poing, en ciblant des lycées du Val d’Oise. Car même si Emmanuel Macron est élu président, nous les LR avons pour force d’être très bien implanté au sein de notre territoire, contrairement à lui. »
Hicham (Les Mureaux) : « Aucun candidat n’est là pour rattraper l’autre »
Lui, c’est Hicham. Un citoyen qui, comme une partie des français, est dégoûté de la politique. « Aucun candidat n’est là pour rattraper l’autre », confie-t-il sur un ton déçu. Pourtant, c’est dans la matinée qu’on le retrouve au bureau de vote pour réaliser ce qu’il appelle son devoir : « Aujourd’hui je suis venu pour remplir mon devoir : il y a des gens qui sont morts pour avoir le droit de vote. La moindre des choses c’est de leur rendre hommage en votant », explique-t-il avant de compléter « mais après, je ne suis pas venu pour voter par conviction en espérant que les choses vont changer, car je sais que les choses ne changeront pas ».
Ce dégoût trouve ses sources dans les actions non conformes aux promesses tenues par les élus. Les politiques engagées par les anciens présidents de la République, notamment celles controversés durant le mandat de François Hollande, n’ont pas aidé à rétablir le goût de la politique chez ces français. L’image donnée est claire : les candidats aux élections présidentielles n’ont rien à amener de nouveau. Ils seraient le fruit d’un système corrompu, donc ils travailleraient nécessairement pour ce système. Hicham explique que pour lui, les élus s’engagent dans la vie politique pour chercher des profits personnels. « La politique n’a pas une place importante dans ma vie parce que, quoique l’on fasse, on ne fera que subir. Malgré le choix qu’on peut faire en choisissant un homme politique, il fera ce qu’il a envie de faire par la suite ; on voit toutes les promesses qui ont été faites et qui n’ont pas été tenues, ou des choses qui ont été faites et qui n’étaient pas du tout annoncées » argumente-t-il. « A partir de là on ne peut plus croire personne », conclue-t-il.
Les élections présidentielles de 2017 ont pourtant été grandement suivi, et Hicham ne cache pas avoir, lui aussi, suivi le déroulement des campagnes, du moins à travers les débats télévisés. Il me précise que, malgré tout, les élections 2017 sont essentielles, et ce surtout sur le plan international : « Vu ce qui est en train de se passer dans le monde, il va effectivement falloir quelqu’un qui puisse prendre de bonnes décisions parce que là, ça commence à craindre ! » me dit-il suivi d’un rire. Cette peur s’entend dans beaucoup de voix. Il n’est pas le seul à comprendre que les élections de 2017 en France ont un rôle important à jouer dans le déroulement des choses dans le monde. De la même manière que les élections présidentielles américaines ont été grandement suivies à travers le monde, les élections françaises ont, elles aussi, intéressés les citoyens des pays étrangers. De nombreuses personnalités du monde entier ont montré leur soutien ou se sont intéressées de près ou de loin à certains candidats à la présidence.
Elire un(e) président(e) dans ce contexte est primordial. Donc, voter est plus que nécessaire, selon Hicham. Ce n’est pas totalement l’argument du vote utile qu’il met en avant, puisqu’il ne s’agissait pas selon lui de voter pour un candidat qui fait un bon score contre un autre. Il s’agit en réalité de voter pour le candidat qui propose les moins pires idées. D’ailleurs, son choix s’est quasiment fait par élimination. « Dans l’isoloir, je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai fait « plouf-plouf » mais c’était presque ça. J’ai en tout cas éliminé de mes choix ceux que je ne voulais absolument pas voir au pouvoir, et j’ai voté par dépit. » Voter pour le « moins pire ». Un vote amer qui aurait pu être contré par le vote blanc s’il avait été pris en compte. C’est en tout cas ce que pense Hicham quand je lui demande pourquoi ne pas voter blanc : « Le vote blanc est inutile. Autant voter pour un petit candidat, ce qui revient presque au même, car ça va réduire le pourcentage de chance de ceux qu’on n’a pas forcément envie de voir au pouvoir. » Une position qui aurait pu être totalement différente si le vote blanc était pris en compte dans notre mode d’élection : « par contre si le vote blanc avait été pris en compte, je pense qu’il y aurait beaucoup de monde qui iraient voter et que ca aurait été une bonne alternative pour ceux qui ne veulent aucun des candidats proposés. »
Georges (Brignais) : « Ils servent leurs propres intérêts »
Georges, retraité, ancien artisan boucher vivant dans le Rhône, a glissé le nom de François Fillon dans l’urne, « parce que je suis à droite depuis toujours » affirme-t-il. Mais ce n’est pas sans méfiance, concède-t-il : « Tous autant qu’ils sont, ils pensent qu’à eux. Faut pas rêver ».
Voilà le constat désabusé que fait Georges en ce jour d’élections. « J’estime que tout homme politique, un an après avoir quitté la vie politique, il devrait redevenir comme nous : hommes citoyens comme tout le monde » déclare-t-il, espérant que cela réduirait les intérêts personnels des candidats. De plus, « les Sénateurs, il faudrait en supprimer la moitié, mais il n’y en a pas un qui le dit, parce que c’est tous des copains ». Il s’attaque également à Emmanuel Macron, estimant que « tous ceux qui sont autour de lui, ils sont venus le soutenir pour avoir des places, après ».
Avec son vote, Georges espère d’abord exprimer le mécontentement de la classe moyenne : « Moi j’ai travaillé toute ma vie, en faisant 70 heures par semaine, je ne suis pas fortuné, mais j’ai travaillé pour pouvoir vivre à la retraite ». Il existe pour lui une injustice profonde, car les vrais riches « ont tous des combines pour ne pas payer d’impôts ».
Il souligne également un fort décalage entre les dépenses de l’Etat et celles qu’il faisait difficilement pour faire vivre son commerce : « Vous mettez votre maison en jeu, vous mettez tout ce que vous possédez en jeu pour pouvoir arriver à faire ce que vous voulez. Si vous n’y arrivez pas, on vous prend ce que vous avez fait. L’homme politique, lui, il vient, c’est pas son argent, il n’est pas traité comme nous. Quand c’est pas votre argent vous faites ce que vous voulez ! Quand vous le transpirez tous les matins en vous levant, vous ne le jetez pas par les fenêtres. »
Malgré tout, pour Georges, « c’est important, il faut voter, parce que c’est nous qui jouons. » Il fustige les abstentionnistes : « Ceux qui ne votent pas, qu’ils se taisent après. ». Il regrette la bassesse du débat politique, vide d’idées : « Ils se critiquent, c’est tout ce qu’ils font, ils se critiquent mutuellement ! ». Il pense que « l’actualité, elle fait plus de mal qu’autre chose ». Les affaires Fillon, par exemple, sont la preuve d’une absence de fond : « On veut démonter quelqu’un, on le démonte en faisant ressortir des trucs qui ont vingt ans ; c’est ça la politique ».
« Ça sert à rien de se battre, l’essentiel c’est qu’ils se réunissent tous » déclare finalement Georges. Et d’ajouter, sur un ton quelque peu rêveur : « Ils devraient s’unir et gouverner ensemble ».
Article rédigé par Matthieu Slisse, Estelle Ndjandjo, Louis Faurent, Mariette Munier, Mohammed Azzaoui, Martin Hortin, Vianney Savatier et Anaëlle Véricel.
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